Elle est à l’origine du mouvement Rastafari. La reine Muhumuza du Rwanda tiendra autant tête à l’Allemagne qu’à la Grande-Bretagne et la Belgique. Une figure militaire et spirituelle.
La Reine Muhumuza naquit au XVIIIe siècle. Sa date de naissance exacte n’est pas connue. Son histoire se déroule du XVIIIe au XIXe siècle sur les territoires du Rwanda et de l’Ouganda actuels. Elle grandit au sein du peuple et sera l’épouse du Roi rwandais Kigeli IV.
En l’an 1895, le Roi décéde déclenchant une guerre de succession. Muhumuza se retrouva alors propulsée à la tête de l’administration du royaume face à la menace coloniale. Elle sera cheffe spirituelle, cheffe militaire et partisane de justice sociale.
Une Reine aux pouvoirs spirituels
Une fois au pouvoir, la Reine se dira possédée par le rite rwandais Nyabingi, culte et société secrète africaine recourant à des danses et à des percussions rituelles. La particularité de cette organisation était qu’elle était dirigée par des femmes appelées « Bagirwas » qui jouaient le rôle de prêtresses. Il s’agissait en réalité d’un culte voué à la déesse du même nom. De ce fait, elle devait se dissimuler dans un palanquin, une sorte de panier, un voile la cachant des regards de sorte que même ses propres partisans ne durent la voir que quelques fois.
L’auto proclamation de Muhumuza la fit presque diviniser aux yeux de ses adeptes. Elle professera la détention de pouvoirs magiques, une sorte de medium qui fera que les colons la considèrent comme un « Personnage extraordinaire ».
Leader de la résistance contre la colonisation
Les initiés du culte Nyabingi étaient farouchement opposés aux occidentaux et menaient des actions armées à l’encontre des colons. Des révoltes contre les forces coloniales occidentales naîtront de part et d’autre et s’étendront à l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Est. Ils se joindront à la Reine dans la lutte anticolonialiste. La Reine Muhumuza se révélera une véritable rebelle contre l’occupation impérialiste et mènera une résistance dès sa prise de pouvoir.
En 1909, elle sera arrêtée par les Allemands puis finalement relâchée en 1911. Il faut préciser que certains dignitaires rwandais corrompus par les avantages liés à la présence coloniale se ligueront également contre elle.
Ainsi, ses prétendus pouvoirs lui permettront-ils de les guider lors des combats contre les troupes belges et britanniques. Dès cet instant, elle apparaîtra comme une menace pour ces derniers.
Les britanniques la pourchasseront, s’appuyant sur leurs lois contre la sorcellerie datant du début du règne d’Élisabeth Ière, notamment les Witchcraft Acts. À plusieurs occasions, Muhumuza fera l’objet de plusieurs arrestations et sera contrainte de déménager à Kampala en Ouganda où elle sera emprisonnée. En 1945, elle y rendra son dernier soupir à Mengo, aujourd’hui localité de la République Démocratique du Congo.
Ainsi, la Reine ne revit plus jamais sa terre d’origine.
L’héritage de Muhumuza
Peu d’informations sont disponibles au sujet de la Reine Muhumuza. Ce vide est d’abord dû au fait que pour beaucoup, la Reine n’est rien d’autre que la Reine-divinité Nyabingi elle-même. Pour d’autres encore, il s’agirait d’une réincarnation d’une précédente Reine du même nom ayant vécu plusieurs siècles auparavant. En outre, le manque d’information est également lié au patriarcat de la société rwandaise. La rétention de sources de la part du colon est aussi une cause souvent évoquée.
Toute cette controverse n’empêchera cependant pas Muhumuza d’incarner aujourd’hui au Rwanda et en Ouganda, une véritable héroïne dans la lutte contre l’impérialisme. Sa résistance à toutes les puissances coloniales qui tenteront de conquérir la terre du Rwanda, notamment l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Belgique feront d’elle une référence dans le combat pour la liberté.
À travers le monde, sa mémoire est également honorée. Ici, c’est plutôt sa piété dans sa dévotion au Nyabingi qui la rendra célèbre : on lui doit le mouvement Rastafari inspiré de son culte.
Maggy Lynn