Sans elle, l’Afrique du Sud n’aurait pas connu de Chaka Zulu. Rejetée, raillée par les siens comme par sa belle-famille, la Princesse Nandi a fait preuve d’une ténacité exceptionnelle en affirmant sans cesse « Mon fils sera Roi » à la face des épreuves. Un modèle de patience et de détermination.
La Princesse Nandi naquit vers l’an 1760 à Melmoth, une petite ville du Kazulu-natal, province du territoire de l’actuelle Afrique du Sud. Son père Bhebhe était un ancien chef de la tribu Elangeni et plus précisément, un membre de la famille royale Mhlongo.
Nandi, abandonnée de tous
À l’âge adulte, lors d’un voyage avec ses parents, la Princesse Nandi rencontra le Prince Senzangakhona kaJama du royaume zulu au sud de la rivière White Umfolozi, plus précisément dans le lit de la rivière. Une histoire d’amour naîtra entre eux. Le Prince, déjà marié à deux épouses légitimes et sans enfants, succomba au charme de Nandi, réputée pour sa beauté et sa grande estime d’elle-même. Au bout de 6 mois, la Princesse Nandi tomba enceinte du Prince. Cette grossesse sera à l’origine d’un bouleversement dans la vie de la Princesse.
Une fois la grossesse de la Princesse rendue publique, les anciens de la tribu zulu, conseillèrent au Prince Senzangakhona kaJama de la cacher. Ce dernier s’exécuta, prétextant une relaxation des intestins, maladie de l’estomac dû au Scarabée Ishaka. En réalité, l’annonce d’une grossesse en dehors des liens de mariage était perçue comme une honte pour le Prince. Les conséquences pour la princesse Nandi ne se firent pas attendre.
Nandi sera l’objet de maltraitances, d’humiliations et d’insultes de la part du peuple. Il faut dire que dans la mémoire collective zulu, concevoir un enfant hors mariage est une honte. Les femmes qui concevaient sans union formelle devaient être bannies de la communauté, elle et leurs enfants. De plus, Nandi dût faire face aux moqueries des premières épouses du Prince qui exprimaient simplement leurs jalousies face à leur propre incapacité de pouvoir donner une descendance à ce dernier. En conséquence, aucune cérémonie de bienvenue ne fut organisée pour le bébé de Nandi. Enfin, la différence clanique entre la Princesse et le Prince pèsera dans la balance en raison de l’interdiction des mariages interethniques.
« Mon fils sera Roi », une prophétie accomplie
La vie de la Princesse suite de la naissance de son bébé se déroulera essentiellement dans le Kraal du Prince Senzangakhona kaJama. Le Kraal était une concession, un hameau en forme circulaire entouré d’un rempart d’épines en forme de palissade, constituant strictement à l’époque la base même de la structure sociale. Au vu du contexte, les relations entre les deux parents du futur Chaka Zulu se dégradèrent. Manquant du soutien du Prince et à cause de la détérioration de leurs relations, la Princesse dût quitter le Kraal.
Nandi éduqua seule son enfant en le protégeant des intempéries telles que la famine, mais également des tentatives d’assassinat de ses ennemis. Elle se jura alors d’en faire un futur Roi contre vents et marées, répétant jour et nuit : « Mon fils sera un grand Roi ! ». En effet, une fois hors du Kraal du Prince, Nandi sera recueillie par une prêtresse qui lui prédit l’avenir de son enfant, le prédestinant à un règne qui impactera toute la partie sud du continent.
Malgré les nombreuses rumeurs et à allant à l’encontre de la tradition, le Prince décida de retourner vers Nandi et d’en faire malgré tout sa troisième épouse. Son caractère bien trempé la fit fixer elle-même le montant de sa dot devant son futur mari, de même que les biens pour la réparation des dommages à elle causés, soit 55 têtes de bétail de même qu’un troupeau. Elle réclama également une caution pour le rachat de Chaka, l’enfant illégitime.
Bien que mariés, les humiliations persisteront entre Senzangakhona et Nandi, notamment en raison du caractère de celle-ci, le Prince sentant souvent son égo d’homme défié. Un deuxième enfant naîtra cependant de cette union et le Prince prit une quatrième femme. Lassée par tous ces abus et incompréhensions, Nandi prit l’ultime décision de retourner vers les siens en fuyant avec ses deux enfants, mais sera une fois de plus confrontée aux railleries de sa propre tribu. Elle sera recueillie avec ses enfants et sa mère par la tribu voisine des Mthetwa à travers son chef Dingiswayo. Ce dernier compagnon de Nandi, l’aimera et prendra soin d’elle et de sa famille. Pour la première fois, la Princesse se sentit à sa place. C’est ce dernier qui enseignera à Chaka Zulu l’art de la guerre et le portera à un niveau de compétition qui le rendit redoutable et célèbre au-delà du royaume zulu.
Au sein de l’armée Mthetwa, Chaka gravira les échelons et passera général. Sa popularité parvint aux oreilles de son père qui prit la décision d’aller chercher lui-même son fils.
À la mort de ce dernier, Chaka créera sa propre armée et prendra le pouvoir dans le royaume zulu. Il sera couronné Roi des Zulu en 1816. C’est alors qu’il sacra Nandi Reine mère. Cette dernière sera pour lui bonne conseillère, à l’affût de toute intrique politique jusqu’au jour où elle s’éteignit, le 10 octobre 1827 des suites d’une dysenterie. Son fils, désormais Roi des Zulu, prit à travers ce qu’on appellera le »Chagrin de la Reine », la décision la plus marquante de son règne, celle d’interdire au cours de l’année qui suivra le deuil, de mettre en terre à travers tout le royaume une culture. L’interdiction s’étendait également au lait, ressource de base dans l’alimentation zulu à cette époque.
En outre, les femmes qui tombaient enceintes au cours de cette période, de même que leurs maris, devaient systématiquement être exécutés. En effet, une procréation en pareille période était notamment interprétée comme un manque de compassion face à la douleur ressentie par la famille régnante. Au minimum, 7 000 personnes succombèrent sous le coup de cette loi. L’interdiction n’épargnera pas même le bétail avec instruction ferme d’abattre les femelles afin que leurs petits puissent ressentir la perte de leur mère.
Nandi, modèle de ténacité
La vaillance de la Reine mère Nandi fera d’elle une figure continentale adulée au-delà des frontières sud-africaines, tout son parcours témoignant des fruits de sa foi indéfectible. En d’autres termes, son hardiesse et son courage devant les revers et les épreuves de la vie, font aujourd’hui d’elle une héroïne. L’histoire retient d’elle l’image d’un modèle de patience et de détermination.
Un autre de ses mérites fut l’amour témoigné à son fils Roi et les valeurs inculquées à ce dernier lesquelles, en feront le plus célèbre des Rois d’Afrique du Sud. En effet, Chaka Zulu, héritier de la Reine mère Nandi, sera craint de tous les royaumes voisins et deviendra l’un des plus féroces résistants à l’occupation coloniale sur le continent. Abandonnée de tous mais confiante en l’avenir et Nandi sera celle qui l’incitera à ne pas adhérer au commerce des esclaves.
En sa mémoire, de nombreuses actions furent posées à l’échelle nationale. Le 11 mars 2011, le Comité du peuple Mhlongo, de même que les services du Premier ministre du KwaZulu-Natal et de l’autorité gérant le patrimoine du KwaZulu-Natal, achèveront la construction de sa tombe, près de la ville d’Eshowe. L’inauguration du monument eut lieu en mai 2011. La tombe portait l’inscription « Princesse Nandi Mhlongo, Mère du Roi Chaka », témoignant de la fraternité entre les deux peuples Zulu et Mhlongo du Langeni et laissant ainsi parler l’histoire de la Reine. Une façon d’indiquer à tous que, quelle que soit son l’ethnie d’appartenance, « c’est dans la difficulté que l’être humain est capable de déployer son plein potentiel ».
Maggy Lynn