Elles sont le nerf de la guerre mais perdent la guerre des nerfs. Les crises les plus orphelines sont en Afrique. Elles sont négligées par le reste du monde, mais aussi par les Africains, emportés par l’attention sur la guerre en Ukraine.
La guerre russo-ukrainienne monopolise l’agenda médiatique et le temps de cerveau disponible de l’humanité. L’Afrique ne fait pas exception. Résultat, de nombreuses crises ont été évincées au profit du conflit en Ukraine. Faible attention médiatique, relégation sur l’agenda des décideurs politiques à l’échelle globale, aridité des financements, 10 des crises humanitaires les plus négligées au monde sévissent en Afrique.
Le nerf de la guerre et la guerre des nerfs
Saisissant, le constat a été dressé par le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) dans un document publié le 1er juin. Dans l’ordre décroissant y figurent l’Éthiopie, le Burundi, le Nigeria, le Soudan, le Mali, le Tchad, le Soudan du Sud, le Cameroun, le Burkina Faso et enfin, la République démocratique du Congo, dont l’Est est sous « état de siège », déclaré sans grands résultats par le président Félix Tshisekedi en décembre 2021. Riches en minerais, les provinces orientales de la RDC sont en proie à l’extrême violence des groupes armés, aux déplacements massifs des habitants et à la faim. Les populations locales y paient le prix élevé de la rivalité entre les grandes puissances et leurs supplétifs régionaux pour le contrôle des immenses ressources du sous-sol congolais.
« On constate que les crises en Afrique, pour la plupart, sont des crises qui durent parfois depuis des décennies. Donc cela crée une fatigue de la part des bailleurs de fonds, de la part des médias. Et si ces crises sont de longue durée c’est aussi par le manque d’implication et de volonté de la communauté internationale. »
Tom Peyracosta, porte-parole et spécialiste de la région Afrique de l’Ouest et Centrale du Conseil norvégien pour les réfugiés
C’est sur le terrain de la guerre des nerfs que ces crises ont perdu du terrain, l’usure de la récurrence et de l’intensité des problématiques ayant gagné les acteurs régionaux et internationaux. À la longue, la compassion des observateurs comme celle des décideurs devient difficile à mobiliser. En conséquence, les pires exactions, violations des droits humains et crimes de guerre se commettent dans l’ombre, loin des regards, de plus en plus détournés.
Politique, argent et médias
Trois critères ont guidé le NRC dans l’élaboration de cette liste. Premièrement, les sommets de chefs d’État. À cet égard, le Cameroun a souffert du manque d’engagement politique de la « communauté internationale » devant l’insécurité qui touche l’Extrême-Nord, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du pays. Deuxièmement, l’attention médiatique accordée aux crises. Ici, l’ONG cite le cas du Burkina Faso dont les deux millions de déplacés ont été autant mentionnés dans la presse depuis 2019 que l’Ukraine au cours des trois derniers mois. Troisièmement, le manque de financements : seuls 44% des 2 milliards de dollars nécessaires à la réponse humanitaire pour 2021 en RDC ont été décaissés et seuls 10% l’ont été au terme du premier semestre de cette année.
Accusé depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine de discrimination, l’Occident dont est dénoncée la compassion à géographie, carnation et religion variable, est interpellé par cette liste. Tout comme l’est le continent africain, dont les déclarations, à l’instar de celles sur le terrorisme, formulées par l’Union africaine lors du dernier sommet de Malabo, restent lettres mortes.
Teria News