« Le G5 Sahel est mort », estime Mohamed Bazoum. Après le retrait du Mali annoncé dimanche 15 mai, le président nigérien appelle également à une « présence de Barkhane plus conséquente ».
Dans un entretien accordé à des médias français, le président nigérien Mohamed Bazoum évalue les effets du retrait malien du G5 Sahel. Créé en 2014 par cinq pays sahéliens (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), l’institution se voulait le cadre régional de coordination de l’action antiterroriste. Également désertée par Bamako, sa force conjointe composée des armées de ses pays membres, était appelée à en être l’instance opérationnelle.
« Le G5 Sahel est mort. Depuis le second coup d’État au Mali [en mai 2021], Bamako est dans une fuite en avant qui l’isole en Afrique et nous prive d’une stratégie concertée et coordonnée pour lutter contre le terrorisme ».
Mohamed Bazoum, président nigérien
Mais à qui la faute ?
L’isolement régional du Mali s’avère dangereux en ce qu’il empêche les pays sahéliens de faire front face à la menace terroriste, ce qui est à l’avantage de l’ennemi. Ainsi, l’effet boomerang de la politique régionale à l’égard de Bamako se fait sentir à plusieurs niveaux : économique, politique et aujourd’hui sécuritaire. Toute la région s’est tirée une balle dans le pied. La nature transfrontalière du défi posé par l’extrémisme violent rend l’isolement du Mali suicidaire pour la prospérité et la sécurité du Sahel comme de l’Afrique de l’Ouest. Raison supplémentaire de reconsidérer la posture communautaire et de mettre fin à l’embargo qui frappe le pays depuis janvier.
Seulement, le président nigérien, dont l’hostilité vis-à-vis de la Transition malienne est notoire, ne questionne pas les décisions de la CEDEAO. Au contraire, selon Mohamed Bazoum, Bamako porte seul le blâme de cette configuration. « Si ce pays était dans une situation normale, nous serions en mesure de développer notre coopération en relation avec Barkhane […] Notre frontière avec le Mali est sous la coupe de l’État islamique au Grand Sahara. Bamako n’a pas investi les postes avancés dans cette zone. », a-t-il estimé.
Nouveau pilier de la stratégie militaire française au Sahel depuis le sommet extraordinaire du G5 Sahel tenu en juillet 2021 et le retrait de Barkhane du théâtre malien, le Niger de Mohamed Bazoum continue d’affirmer sa proximité avec Paris. « Une présence de Barkhane plus conséquente et plus d’équipements pour nos armées », a-t-il en effet répondu lorsqu’interrogé sur ses attentes vis-à-vis du président français Emmanuel Macron.
Quid de l’hostilité des populations ?
Appeler à plus de soldats étrangers sur le territoire nigérien peut s’avérer politiquement couteux pour Mohamed Bazoum qui nie la réalité du rejet de la présence militaire française.
Les manifestations de Tera, principale ville frontalière entre le Niger et le Burkina Faso contre le passage d’un convoi français en novembre 2021 et ses 3 victimes, ne sauraient ébranler les certitudes du président nigérien. Cette hostilité populaire serait le fait « des officines mobilisées derrière ce courant ». « Sur le terrain, les populations n’ont pas ce problème. Elles ne demandent qu’une chose : que la présence des Occidentaux contribue à lutter efficacement contre les terroristes », maintient-il.
Réuni sur les questions de paix et la sécurité en Afrique mercredi 18 mai, le Conseil de sécurité de l’ONU a, dans sa majorité, condamné le retrait du Mali de la force régionale.
Il n’en demeure pas moins que, mis à part quelques élites régionales à l’image de Mohamed Bazoum, le G5 Sahel ne sera pleuré par personne. De la mainmise de la France sur une organisation à vocation régionale à son impossible montée en puissance due au manque criant de financement, l’institution était une coquille vide. À l’instar de la task force Takuba, autre invention de Paris visant la mutualisation, cette fois européenne, des efforts antiterroristes, le G5 Sahel est mort-né.
Teria News