Le Cameroun se rapproche de la Russie. Confronté à une menace terroriste et à un mouvement séparatiste dans ses régions anglophones, Yaoundé a signé un accord militaire avec Moscou. Premier pas d’un éventuel déploiement de Wagner ?
Avec cet accord, Moscou marque un nouveau pas sur le continent africain. Signé par le ministre de la Défense, Joseph Beti Assomo pour la partie camerounaise et son homologue le général Sergueï Choïgou pour la partie russe, les termes du document restent toutefois nébuleux.
En effet, l’accord ne pose qu’un cadre général de coopération en matière de Défense. En son article 2, il se contente d’évoquer un échange d’opinions et d’informations concernant la politique de défense et la sécurité internationale, le développement des relations bilatérales en termes de formation conjointe et d’entraînement de troupes, d’enseignement militaire, de médecine, de topographie ou d’hydrographie militaire. En vertu de cet accord, Moscou et Yaoundé s’engagent également à échanger leurs expériences ainsi qu’à collaborer pour le maintien de la paix, notamment dans le cadre des opérations menées sous l’égide des Nations unies.
Yaoundé pris en étau entre les deux blocs
Vagues, les termes du document sont sujets à de nombreuses interprétations, certains allant jusqu’à y voir le cadre juridique discret mais propice au déploiement futur de la société paramilitaire russe Wagner. Décrié par les chancelleries occidentales, le groupe est devenu un casus belli diplomatique entre les pays qui choisissent de s’attacher ses services et les capitales de l’Ouest, quitte à piétiner le droit d’États souverains à choisir leurs partenaires. Les cas de la Centrafrique et plus récemment du Mali en sont des exemples patents, bien que Bamako soutienne n’avoir aucun accord avec Wagner.
Ajouté au contexte international marqué par le conflit russo-ukrainien et le bras de fer « total » qui oppose la Russie à l’Occident, voire un retour de la Guerre froide, l’hostilité de ce dernier envers Wagner, notamment manifestée par toutes sortes de mesures de rétorsion contre les pays qui se rapprochent du Kremlin, explique le flou entretenu par Yaoundé et Moscou sur l’étendue de leur coopération militaire renforcée.
Toutefois, bien que marchant sur des œufs, le Cameroun s’attire déjà les foudres de la diplomatie américaine. Dans un tweet partagé ce 21 avril, l’ancien secrétaire d’État américain chargé de l’Afrique Tibor Nagy y voit un camouflet infligé aux États-Unis et à la France, en particulier en pleine offensive russe en Ukraine.
Boko Haram et l’Ambazonie en ligne de mire ?
À l’instar des pays du lac Tchad, le Cameroun est confronté à une menace terroriste incarnée par Boko Haram et sa branche dissidente ISWAP. Mais les observateurs nationaux voient surtout en ce rapprochement avec la Russie, l’aube d’une nouvelle ère dans l’affrontement qui oppose l’État central aux régions séparatistes anglophones. Cinq ans après l’indépendance autoproclamée de l’Ambazonie, le conflit a fait plus de 3 500 morts.
Malgré la création de certaines institutions, le statut spécial accordé aux deux régions anglophones du Cameroun à l’issue du Grand dialogue national tenu en 2019 n’est toujours pas appliqué et le conflit s’enlise. Cependant, rappelant que le Cameroun et la Russie coopèrent militairement depuis 10 ans, d’autres estiment l’accord sans grandes conséquences sur la politique de Défense de Yaoundé.
Teria News