Le groupe Wagner présent au Soudan ? Khartoum dément formellement les affirmations des États-Unis et dénonce une chasse aux sorcières dans le contexte de la guerre en Ukraine. Précisions.
Dans un communiqué commun publié lundi, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Norvège ont déclaré que le groupe Wagner « répand des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux et se livre à des activités illicites liées à l’extraction de l’or » au Soudan. Réagissant dès le lendemain, le ministère soudanais des Affaires étrangères a démenti les affirmations occidentales et dénoncé une « ingérence flagrante dans les affaires intérieures du Soudan ». De plus, dans le contexte de la guerre en Ukraine où l’Ouest fait pression sur les pays du Sud afin qu’ils adhèrent à sa politique de sanctions adoptée contre la Russie, Khartoum estime que le communiqué de lundi vise à entrainer le Soudan dans le bras de fer économique et diplomatique engagé par l’Occident contre Moscou.
La guerre en Ukraine, tournant de la lutte d’influence en Afrique
Retiré par Washington de la liste noire des pays soutenant le terrorisme en 2020, soit un an après la révolution qui a renversé Omar el-Béchir, le Soudan marche sur une ligne de crête suite au coup d’État d’octobre 2021 contre le régime de Transition dirigé par le Premier ministre Abdalla Hamdok.
Depuis, un duo d’anciens généraux d’Omar el-Béchir formé par Abdel Fattah al-Burhane et Mohamed Hamdan Dogolo alias Hemeti (ancien commandant des milices arabes janjawid, épinglées pour leurs crimes dans le conflit au Darfour), respectivement numéro un et deux du Conseil souverain, a repris les rênes du pays.
Les exemples de la Centrafrique et du Mali montrent que l’engagement réel ou supposé des paramilitaires de Wagner est devenu un épouvantail occidental et un motif de brouille diplomatique. Alors que, tentant de sauver sa révolution, la rue soudanaise continue, sans répit, de gronder contre le putsch des généraux, dénoncer maintenant l’éventuelle présence du groupe Wagner sur le sol soudanais, pourrait être un prétexte pour revenir sur la levée de certaines sanctions contre le Soudan. Un prétexte d’autant plus manifeste que la coopération entre Moscou et Khartoum est notoire depuis l’ère Béchir, le Soudan allant jusqu’à autoriser la création d’une base navale russe en mer rouge (près de la ville de Port-Soudan) au nez et à la barbe de Washington qui venait d’alléger ses sanctions.
Par ailleurs, dans le contexte de la crise à l’Est de l’Europe, le communiqué commun du Royaume-Uni, des États-Unis et de la Norvège, révèle une internationalisation du conflit. Craignant que la Russie réussisse à amortir les sanctions occidentales en parvenant à catalyser l’émergence d’un ordre mondial alternatif, principalement avec ses partenariats avec la Chine et l’Inde, mais également avec des États africains comme le Mali, la Centrafrique et le Soudan, aux sous-sols riches en minerais, l’Occident exerce un chantage sur ces pays.
À l’aune de la guerre en Ukraine, la lutte d’influence entre grandes puissances sur le continent africain prend un tournant et pourrait s’intensifier comme au temps de la Guerre froide. Ainsi, les États soutenant la Russie ou non-alignés, pourraient s’attirer l’hostilité des alliés occidentaux. En d’autres termes, c’est désormais le positionnement d’un pays envers la Russie qui détermine l’attitude des chancelleries occidentale envers lui. À cet égard, les affirmations occidentales sont également à lire comme un avertissement destiné à tout pays qui maintient son niveau de coopération avec Moscou.
Teria News