Puissant royaume d’Afrique impériale, le Royaume du Bénin est célèbre pour ses bronzes et son nom, repris par l’actuelle République du Bénin, ancien Dahomey. Découvrez la brillante civilisation du Bénin, au carrefour des cultures Edo et Yoruba qui l’a fécondé au XIIIe siècle.
Le Royaume du Bénin fut fondé à l’Ouest du delta du Niger, au Sud-Ouest de l’actuel Nigeria par le peuple Edo, ethnie de de 3.8 millions de personnes vivant majoritairement à Benin City dans l’actuel Nigéria, dit Bini, du nom attribué aux Edos par les Portugais. D’une petite cité-État, le Royaume s’élargit pour devenir un des empires les plus illustres d’Afrique précoloniale. On distingue deux âges dans son histoire.
Le premier fut fondé par le roi Igodo, surnommé Ogiso ou « roi descendu du ciel » à cause de sa sagesse. Ce nom est devenu un titre désignant la royauté. Les souverains de ce premier cycle du Bénin (plusieurs rois et deux reines) régnaient à Igodomido, l’ancien nom de Bénin City signifiant la « ville des villes ».
Un Royaume fécondé par les Yorubas
La deuxième phase du Royaume date du XIIIe siècle avec une nouvelle dynastie fondée par un prince Yoruba que les Edos, révoltés contre une lignée incompétente de souverains, sont allés chercher à Ifè.
Oranmiyan, originaire d’Ifè, prend alors la tête du Royaume et le conduit vers son âge le plus prospère. Contrairement à de nombreux royaume du continent africain, au Bénin, la transmission du pouvoir est patrilinéaire. Toutefois, dans le même temps, la coutume accorde une place de choix à la reine-mère sans qui aucune décision ne se prenait. La culture Edo s’inscrit ainsi dans la tradition matriarcale africaine.
Hanté par le souvenir de sa ville, Oranmiyan rentre à Ifè et laisse sur place son épouse Erimwindé alors enceinte de leur fils Ewéka qui devient le deuxième Oba (roi) Yoruba du Bénin. De sa descendance nait au XIIIe siècle Oguola, 6e souverain du Bénin qui élève des fortifications autour du Royaume et fait venir d’Ifè un maître fondeur qui inaugure la tradition d’art sculptural qui fait jusqu’à aujourd’hui la réputation du Royaume du Bénin.
Sous Oba Ewuaré, médecin et brillant chef de guerre qui monta sur le trône en 1440, le Royaume s’élargi de plus de 200 villes et villages dont certains furent conquis en territoires Igbo et Yoruba pour connaitre son apogée au XVIe siècle. À cette époque, le Royaume comprend l’actuel État du Bénin, s’étend jusqu’au delta du Niger sur 90 000m², soit 3 fois la superficie de la Belgique et rassemble une mosaïque de peuples conquis ou soumis à un tribut. On estime que le souverain du Bénin régnait alors sur 4 millions de personnes. En plus de ses conquêtes, Oba Ewuaré donne au Royaume du Bénin sa structure politique la plus aboutie.
Le mariage des cultures Edo et Yoruba au sein du Royaume du Bénin durera jusqu’à la conquête britannique au XIXe siècle.
Le Royaume disposait de sa propre monnaie. Une fois par an, le roi revêtait sa plus luxueuse tenue d’apparat pour une cérémonie à la gloire du Royaume rassemblant ses 300 plus grands notables, accompagné de soldats et de léopards. Lorsque le roi meurt, sa cour creuse dans le palais un trou assez profond pour toucher l’eau. Oba y est jeté et ses hauts fonctionnaires se disputent le privilège de l’y rejoindre vivants pour le servir dans l’au-delà. Certains serviteurs sont tués pour l’accompagner dans l’autre vie.
Au-delà de ses frontières, le Royaume du Bénin exerça une influence sur les territoires voisins : les Igbos à l’Est qui lui empruntèrent des éléments de sa structure politique, les Igala au nord-Est s’inspirèrent du savoir-faire des artisans du Bénin, notamment dans l’art de la sculpture.
Architecture et urbanisme à la hauteur des cités européennes contemporaines
« La ville est très grande, quand on y entre, on va dans une grande rue, large non pavée qui semble être 7 ou 8 fois plus grande que la rue Warmoes à Amsterdam, qui s’en va tout droit… Cette rue a un mile hollandais (7km de long). On y voit beaucoup de rues sur les côtés qui s’en vont tout droit, les maisons dans cette rue se dressent en bon ordre comme se dressent les maisons en Hollande ».
Olfert Dapper, physicien et écrivain Hollandais dans son ouvrage Description de l’Afrique parut au XVIIe siècle
La capitale du Royaume a abrité jusqu’à 318 000 à 400 000 habitants, ce qui en fait une des plus importantes villes d’Afrique impériale et au monde. Des fortifications ont été érigées entre le XIVe et le XVe siècle. S’élevant à près de 8m de haut et s’étendant sur 16 000 km (4 fois la grande muraille de Chine en longueur), elles entouraient une superficie de 6 500 m², soit 6.5 fois la mégapole de Lagos.
« Grand Bénin, où vit le roi, est plus grand que Lisbonne ; toutes les rues s’en vont tout droit, aussi longues que l’œil peut voir. Les maisons sont larges, en particulier celle du roi, qui est richement décorée avec de belles colonnes. La ville est riche et industrieuse. Elle est tellement bien gouvernée que le vol y est inconnu. Les gens vivent dans une telle sécurité qu’ils n’ont pas de porte à leur maison ».
Lourenco Pinto, capitaine de navire Portugais
Art et artisanat du Bénin
La tradition orale rapporte qu’au cours du premier âge de l’histoire du Royaume du Bénin, les Edos travaillaient déjà le bois et le cuir. Maitrisant plus tard le fer, le cuivre, l’ivoire, le bois et le verre, l’art sculptural du Bénin était un des plus raffinés de l’époque impériale et même de l’Histoire. Les sculptures de toutes tailles, dont certaines de dimension humaine aux détails saisissants et près de 900 plaques de bronze, pillées par les colons, sont aujourd’hui conservées dans les musées britanniques.
Le 19 février dernier, le gouvernement nigérian a remis à Uku Akpolokpolor Ewuare II, l’Oba actuel du Royaume du Bénin, deux œuvres d’art en bronze pillées à l’époque coloniale. Au cours d’une cérémonie spéciale, le roi a accueilli les deux objets dans son palais situé au sud du Nigeria. Les sculptures, un coq et une tête à l’effigie d’un ancien monarque, avaient été restituées au Nigeria par les universités de Cambridge et d’Aberdeen en 2021. La même année, l’Allemagne s’est engagée à restituer plusieurs « bronzes du Bénin » au Nigeria.
Aux indépendances, les nouveaux États africains choisissent d’abandonner les noms hérités des puissances Européennes pour marquer une rupture avec la domination coloniale. Comme la Côte d’Or épousa le nom de Ghana, issu de l’Empire de Ghana, un royaume ayant prospéré entre le IIIe au XIIIe siècle dans la région sahélienne, le Dahomey adopta celui de Bénin.
Teria News