« Civilisations Noires » : En 1312, Aboubakari II (1310-1312), prédécesseur de Mansa Moussa à la tête de l’Empire mandingue arriva en Amérique, 80 ans avant Christophe Colomb. Surnommé « l’empereur explorateur », Aboubakari II renoua les échanges entre les deux rives de l’océan Atlantique.
L’épopée d’Aboubakari II nous est parvenue à travers les récits d’historiens arabes et de contes de djélis. Plus récemment, Ivan Van Sertima, enseignant à l’université Rutgers (New Jersey, Etats-Unis) dans son ouvrage They came before Columbus (Ils y étaient avant Christophe Colomb) paru en 1976, retrace les contacts précolombiens ayant existé entre l’Afrique et l’Amérique et l’influence africaine sur la culture Sud- ou Méso-Américaine. Vivement combattu par ses pairs universitaires, Ivan Van Sertima s’est lui-même basé sur des propos de l’empereur Mansa Moussa, alors en route vers la Mecque, tels que transcris par l’Egyptien Al Omari au XIVe siècle dans l’encyclopédie Masalik Al-Absar. L’histoire d’Aboubakari est également au coeur des travaux de l’historien sénégalais Pathé Diagne dans Bakari II (1312) et Christophe Colomb (1492) : A la rencontre de Tarana ou l’Amerique (1992).
Mansa Aboubakari Keita II, « l’empereur explorateur »
À la tête de l’Empire du Mali conquit par son arrière-grand-père, Soundjata Keita, Mansa Aboubakari Keita II se désintéresse des affaires de son royaume. Ses pensées se portent vers les mers et une question le taraude : « qu’y-a-t-il de l’autre côté de l’océan ? ». L’interrogation hante ses nuits. Appelant à lui tout le savoir-faire du mandingue et au-delà de l’empire, notamment chez les peuples du lac Tchad aux connaissances maritimes ancestrales, Aboubakari décide de financer une expédition. La première sera composée de 200 navires chargés d’or et de toutes sortes de vivres. Prenant la mer, les marins reçoivent l’ordre de ne revenir qu’après avoir atteint la terre ferme. Mais après plusieurs mois sans nouvelles des navires, un homme revint de l’expédition, seul. Il raconta à l’empereur comment la flotte a été aspirée par un violent courant au milieu de l’océan. Voyant le péril, le seul survivant a alors fait demi-tour.
Ce revers ne parvint pas à décourager Aboubakari. L’empereur rassembla une flotte dix fois plus vaste chargée de la même mission. 2 000 navires sortirent des côtes de Sénégambie avec cette fois à bord, Aboubakari lui-même. Avant son départ, il confia les rênes de l’empire à son frère Mansa Moussa, également connu sous le nom de Kankou Moussa ou « Seigneur des mines ». Les courants marins portant les navires des côtes Ouest-africaines vers l’Amérique furent ici favorables à la flotte d’Aboubakari.
« Nous appartenons à une maison qui transmet la royauté par héritage. Mon prédécesseur ne croyait pas qu’il était impossible de découvrir la limite la plus éloignée de l’océan Atlantique, et souhaitait vivement le faire. Il équipa 200 navires remplis d’hommes et le même nombre équipés d’or, d’eau et de provisions suffisamment pour durer des années, et dit à celui qui était chargé de les conduire : “Ne revenez pas avant d’avoir atteint la fin de celui-ci ou que vos provisions et votre eau ne s’épuisent.” Ils sont partis et un long moment s’est écoulé avant que quiconque ne revienne. Puis un navire est revenu, et nous avons demandé au capitaine quelles nouvelles ils apportaient. Il a dit : “Oui, ô Sultan, nous avons voyagé pendant un long moment jusqu’à ce qu’il apparaisse en pleine mer [pour ainsi dire] une rivière avec un courant puissant. Le mien était le dernier de ces navires. Les [autres] navires sont allés de l’avant, mais lorsqu’ils ont atteint cet endroit, ils ne sont pas revenus et on n’en a plus vus et nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus. Quant à moi, je m’en suis allé aussitôt et je ne suis pas entré dans cette rivière.” Mais le sultan ne l’a pas cru. Ensuite, ce sultan a préparé 2.000 navires, 1.000 pour lui et ceux qu’il a emmenés avec lui, et 1.000 pour l’eau et les provisions. Il me quitta pour le remplacer et s’embarqua sur l’océan Atlantique avec ses hommes. Ce fut la dernière fois que nous l’avons vu, ainsi que tous ceux qui étaient avec lui, et je suis donc devenu roi à part entière. »
Déclaration de Mansa Moussa à l’émir du Caire au cours de son voyage vers la Mecque
Trace de Noirs en Amérique
La présence de Noirs est corroborée par plusieurs récits Amérindiens. Ces derniers font état d’hommes particulièrement sombres de peau, de commerçants vêtus d’habits et de parures riches. De plus, les explorateurs Européens accompagnant Christophe Colomb évoquent la présence de Noirs dans ce qu’ils appelèrent l’Amérique. Certains d’entre eux ont affirmé que les gouverneurs de l’Equateur étaient Noirs. Alors qu’il était aux commandes d’une expédition dans l’isthme de Darien entre la Colombie et le Panama actuels, l’explorateur Vasco Nunez de Balboa, premier Européen à avoir atteint le Pacifique (vers 1513), témoigne de la découverte d’un campement amérindien où étaient gardés des prisonniers de guerre Africains.
Masques en pays olmèque, peintures représentant des Noirs dans la vallée de Mexico, spiritualité, les traces africaines laissées dans les cultures amérindiennes prouvent l’influence et par conséquent, la présence d’Africains Noirs en « Amérique » avant l’arrivée d’explorateurs Européens.
Notons que si Aboubakari II mit pied en Amérique avant Christophe Colomb, l’empereur ne fit en quelques sortes que retrouver une route ouverte des milliers d’années plus tôt par les navigateurs d’Egypte antique, période à laquelle ont débuté les voyages transocéaniques.
Teria News