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Choguel Maïga accuse la France de vouloir « diviser » et recoloniser le Mali

Le Premier ministre malien accuse la France de vouloir recoloniser le Mali. Lundi, Choguel Maïga a de plus affirmé que Serval s’est transformée en une « opération de partition de fait du Mali ». Les détails.

Habitué à tenir un langage de vérité, le Premier ministre malien continue de dénoncer l’agenda caché de la France au Mali. Lundi, devant un parterre de diplomates, Choguel Maïga a accusé Paris de planifier la déstabilisation du Mali depuis son intervention en 2013.

« Après [un] temps d’allégresse […] l’intervention s’est muée dans un deuxième temps en une opération de partition de fait du Mali qui a [consisté dans] la sanctuarisation d’une partie de notre territoire, où les terroristes ont eu le temps de se réfugier, de se réorganiser pour revenir en force à partir de 2014 »

Choguel Maïga, lundi 7 février

La présence militaire française : une force d’occupation et de recolonisation du Mali

Les dirigeants français « n’ont jamais dit à leur opinion publique, quand ils intervenaient en 2013, qu’ils allaient diviser le Mali », persiste et signe Choguel Maïga. « On ne peut pas nous vassaliser, on ne peut pas transformer le pays en esclave ; ça, c’est terminé », a-t-il poursuivi. Selon lui, Takuba, successeur mort-né de Serval et Barkhane, s’inscrit dans la même logique de recolonisation du Mali : « c’est pour diviser le Mali. C’est ‘le sabre’, ça n’est pas un nom qui a été pris par hasard », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, le Premier ministre malien a apporté son soutien à l’ancien ambassadeur du Mali en France, Toumani Djimé Diallo. Prenant la parole devant la Commission Défense du Sénat qui recevait les ambassadeurs des pays du G5 Sahel, le diplomate avait dénoncé le comportement de soldats de Barkhane, qui comprend des membres de la Légion étrangère à la réputation historiquement sulfureuse. « D’abord, avec tant d’hommes et de moyens déployés, on s’attendait à plus de résultats, moins coûteux en vies humaines. D’autre part, je vais vous parler franchement, dans ces forces, il y a des officiers, l’armée normale mais aussi la Légion étrangère. C’est là le problème. », a estimé Toumani Djimé Diallo. « Par moments, dans les Pigalle de Bamako, vous les retrouvez, tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée [française]. Ça fait peur, ça intrigue », a-t-il poursuivi. « Certains font n’importe quoi dans les rues de Bamako, ce n’est pas bon pour l’image de la France », a-t-il conclu. Ses propos ayant provoqué un incident diplomatique, Toumani Djimé Diallo a été rappelé par l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita en mars 2020.

Appuyant ces déclarations, Choguel Maïga a comparé les légionnaires à des mercenaires coupables de « débordements ». Le Premier ministre malien a estimé que l’ambassadeur avait été rappelé « sur la base de simples déclarations […] sur le comportement peu orthodoxe de certains légionnaires français au Mali, j’allais dire mercenaires ». Une façon indirecte de répondre aux accusations portées par la France et ses alliés européens comme américain sur les comportements des combattants de Wagner, souvent accusés de toutes sortes de délits et crimes dans les rapports de l’ONU, notamment sur la Centrafrique.

Convocation de l’histoire pour justifier le départ des soldats français

Poursuivant sur la présence militaire française, Choguel Maïga a fait un parallèle avec l’histoire de la France laquelle, au sortir de la Seconde guerre mondiale, a demandé aux soldats américains de quitter son territoire une fois la victoire alliée consolidée. « Les Américains n’ont-ils pas libéré la France ? […] Quand les Français ont jugé que [la présence américaine en France, ndlr] n’était plus nécessaire, ils ont dit aux Américains de partir, est-ce que les Américains se sont mis à insulter les Français ? », a-t-il lancé.

En outre, longtemps sous-entendue, l’influence française sur la CEDEAO et sa main dans les sanctions infligées au Mali le 9 janvier dernier sont à présent ouvertement dénoncées par Bamako. Le Premier ministre malien estime en effet que le but était de présenter le Mali « comme un paria, avec l’objectif inavoué et inavouable à court terme d’asphyxier l’économie afin d’aboutir pour le compte de qui l’on sait et par procuration à la déstabilisation et au renversement des institutions de la transition ».

Les déclarations de Choguel Maïga ne sont pas toutes inédites. En visite en Suisse, l’avocat de formation avait déjà pointé du doigt le double agenda de la France au Mali et sa volonté cachée d’affaiblir l’État central en appuyant les rebelles Touaregs dont il a dénoncé le poids dans les accords d’Alger. Cette fois, comme à la tribune de l’ONU où il avait estimé que la décision unilatérale française de mettre fin à Barkhane équivalait à un « abandon en plein vol » du Mali, Choguel Maïga qui s’exprimait devant des diplomates, prend le monde à témoin de la politique française dans son pays.

Teria News

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