Bientôt retirées du Mali, les forces Barkhane et Takuba pourraient s’implanter en Côte d’Ivoire, au Togo et au Bénin, selon l’Élysée. De son côté, l’Union européenne a voté vendredi des sanctions contre 5 responsables maliens.
L’Élysée devrait rendre publique sa décision d’ici « deux à trois semaines », selon plusieurs médias français, mais le principe d’un retrait définitif de Barkhane et de Takuba du Mali est quasiment acté murmure-t-on dans les alcôves diplomatiques. Jean-Yves le Drian, auteur des propos jugés injurieux par le gouvernement malien de Transition, a même lâché le terme de « rupture militaire ».
La France qui, par la voix de sa ministre française des Armées, avait pourtant affirmé sa volonté de « s’adapter aux coups d’État », jette finalement l’éponge. Un jour, Paris dit en somme vouloir rester à tout prix, le lendemain, la diplomatie française se dédie en hurlant qu’une ligne rouge, une énième, a été franchie. Si les atermoiements de la politique africaine de l’Élysée, exacerbés sous le leadership d’Emmanuel Macron, n’étonnent plus grand monde, le virage de Paris semblait inéluctable dans le contexte de crise franco-malienne.
La fin de la présence militaire française au Mali précipitée par la présidentielle d’avril
« Les coups d’état militaires semblent moins contestés que la présence française […] Les sociétés privées ne sont là que parce que la politique française sahélienne a failli. […] Annoncez un plan de retrait de nos troupes. Rendez une deuxième fois leur indépendance à ces Etats. »
Jean-Paul Lecocq, député communiste
Toutefois, malgré l’indignation, consécutive au renvoi des troupes danoises de la force Takuba et à l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali, affichée par Paris, l’Elysée, qui n’a jusqu’à présent manifesté aucune gêne à maintenir sa présence malgré des menaces répétées de quitter le Mali si Bamako choisissait Moscou, souffre surtout de l’effet de loupe causé par la pré-campagne présidentielle. Rappelons en effet que la réponse immédiate de la France à l’expulsion de Joel Meyer a été le rappel de son ambassadeur et le maintient de son engagement « en faveur de la stabilisation du Sahel », selon un communiqué du Quai d’Orsay. Autrement dit, c’est moins l’expulsion en soit de Joel Meyer, que les déclarations outrées des candidats à la succession d’Emmanuel Macron et l’attention qu’elles n’ont manqué de susciter dans l’opinion publique qui forcent la main de Paris. Le cauchemar d’une certaine élite française, soucieuse de garder les questions de défense, en particulier les plus embarrassantes, à l’abri des regards et du contrôle démocratique, s’est alors matérialisé. Le 1er février, les attaques répétées de l’hémicycle français ont fait vaciller son gouvernement.
« Vous ne pouvez pas faire endosser au Mali seul cette dégradation de la situation tout comme revendiquer seul les succès mais mutualiser les échecs. La France est en première ligne seule, il faut l’assumer. […] Force est de constater que face à son impuissance, la France n’a plus grand-chose à proposer. Le président de la République a choisi de conduire cette politique en solitaire au point que dans la situation actuelle les ministres des affaires étrangères naviguent à vue dans l’attente de la parole présidentielle. »
Patrick Kanner, président du groupe socialiste, écologiste et républicain
Dos au mur, le Premier ministre Jean Castex, contraint par l’opposition, a annoncé la tenue d’un débat parlementaire sur l’engagement français au Mali. Un grand déballage en téléchargement contre lequel la seule parade est le retrait pur et simple du territoire malien. Ainsi, avec un retrait, le président Macron joue sa survie après le double camouflet infligé par Bamako et en l’absence d’un ambassadeur malien à expulser, n’en déplaise à Valérie Pécresse et Marine le Pen.
En attendant, Paris a de toute urgence besoin de trouver de nouvelles bases. À cet effet, Florence Parly s’est entretenue avec le président nigérien Mohamed Bazoum, mercredi. La diplomatie française explore également la possibilité de s’implanter au Sénégal ou dans les pays du golfe de Guinée comme la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin, au motif que ces pays font face à une menace terroriste grandissante et toujours « à leur demande », martèle Paris.
Sanctions de l’Union européenne
L’Union européenne (UE), dont la France exerce actuellement la présidence tournante, a décidé vendredi 4 février de sanctionner 5 responsables du gouvernement malien dont le Premier ministre Choguel Maïga. Accusés de bloquer la transition politique au Mali, leurs avoirs détenus dans l’UE seront gelés, tout résident européen aura interdiction de leur transférer des fonds et les officiels sanctionnés sont interdits de séjour, même de transit, sur le territoire européen. Notons que le président Assimi Goïta n’est pas visé par ces sanctions. Présentée comme un écho aux sanctions de la CEDEAO, cette décision de Bruxelles est le signe qu’un point de non-retour a été atteint entre Bamako, Paris et ses partenaires européens.
Les conséquences de la rupture qui se dessine, pourraient éventuellement affecter la Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA).
Teria News