Redoutable et intraitable, Nzinga du Ndongo et du Matamba (actuels Angola) combattit l’administration coloniale portugaise durant tout son règne. Cheffe de guerre, elle menait elle-même les troupes à la bataille et refusait le titre de « Reine », préférant celui de « Roi ». Portrait d’une souveraine mythique qui a laissé une empreinte indélébile sur l’Angola.
Ngola Mbandji Kiluanji fut Roi du Ngondo et du Matamba, deux royaumes voisins du Royaume Kongo aussi grands que l’actuel Angola. Afin de réaliser leurs ambitions coloniales, les Portugais se lancèrent à la conquête du Royaume du Ngondo puis progressivement du pays tout entier. Leurs désirs de conquête allumèrent de nombreux conflits, autant entre l’occupant et les royaumes locaux qu’entre les royaumes autochtones eux-mêmes. Par ailleurs, cette fin du 16ème siècle connaissait également une intensification du commerce triangulaire.
Née autour de 1583, Nzinga grandit dans ce contexte. Son père le Roi Ngola Mbandji Kiluanji décèda en 1617. Son fils, Ngola Mbandi prit alors le pouvoir. Peu charismatique et moins intelligent que sa sœur, il envoyait parfois sa cadette aux négociations. Ce dernier décéda également en 1624. C’est le moment qu’attendait Nzinga qui élimina son neveu, héritier du trône selon l’ordre de succession. Fine stratège, elle sut allier politique, art de la négociation, religion et violence au service de la liberté de son peuple.
Cheffe de guerre et diplomate
Femme hors du commun, dès sa prise de pouvoir, elle prit possession de tous les attributs et s’entoura d’un Harem constitué d’hommes habillés en femmes. Très tôt, elle noua des alliances avec les autres royaumes voisins qui pouvaient lui être utiles pour étendre sa domination, afin de mieux combattre le Portugal.
Redoutable et intraitable, Nzinga combattit l’administration coloniale portugaise durant tout son règne. Diplomate, elle usait de l’inimitié et de la rivalité existant entre les diverses puissances coloniales à ses fins. C’est ainsi qu’au moyen de retraites stratégiques, d’offensives audacieuses et d’alliances avec les Hollandais, Nzinga luttera contre les Portugais et leurs alliés jusqu’à sa mort, à ses 81ans en 1663.
Très sensible aux questions diplomatiques et militaires, son habileté ne s’en fit pas moins ressentir dans les négociations commerciales avec l’envahisseur européen qui venait s’approvisionner en ressources naturelles, mais également en main d’œuvre pour le commerce d’esclaves en vue de leur exploitation au Brésil et dans les colonies antillaises. N’occultons pas que dès son jeune âge, la Reine disposait elle-même d’esclaves à son service au palais royal.
S’intéressant à l’histoire même du Portugal et de sa population, elle s’adaptait facilement lors des négociations car maîtrisant les enjeux qu’animaient l’autre partie. Instruite, elle signait elle-même ses correspondances avec les souverains coloniaux, atout de taille pour traiter d’égale à égale avec ses adversaires.
Le potentiel fédérateur de la religion n’avait aucun secret pour elle. Elle se convertit ainsi au catholicisme et la promesse de conversion des peuples Ndongo et Matamba au christianisme, faite aux Portugais, lui servira de monnaie d’échange dans leurs pourparlers.
La Reine fut initiée à l’art de la guerre par son frère défunt et partait aux combats en Cheffe de guerre, armes à la main et se positionnant toujours en tête, mettant en avant sa masculinité. Allant au front jusqu’à la soixantaine, elle refusera le titre de Reine et préférera celui de »Roi ».
Héritage au Portugal et dans toute l’Afrique
Il faut dire que cette poigne qui a marqué son règne tire son origine du caractère même de Nzinga. Un prêtre missionnaire portugais dira d’elle que bien avant d’être Reine, elle « n’admettait pas d’être traitée comme une femme. Et elle était si homme qu’en effet, personne ne s’adressait à elle comme une femme ». C’est ce qui ressort également de la négociation pour la signature d’un traité de paix dont elle fut chargée par son frère, alors Roi du Ngondo en 1622. En effet, le Gouverneur du Portugal, informé de la coutume locale qui consiste à s’asseoir à même le sol, prévit pour Nzinga un coussin en velours. Écartant cet honneur, la souveraine ordonna à l’une de ses esclaves de s’agenouiller et monta sur le dos de la malheureuse au grand étonnement de tous, donnant ainsi le ton de la rencontre.
Sa bravoure et sa malice sont aujourd’hui saluées car elle a su durant ses 50 années de règne, à la fois composer avec et lutter contre le colon. Son obstination à préserver l’intégrité de son royaume contre les Portugais fait d’elle une figure d’inspiration pour la société angolaise où les femmes sont fortement représentées dans l’armée, la police, les secteurs privé et public, de même qu’au gouvernement. Icône continentale, elle reçut plus de 350 années après sa mort, la reconnaissance de l’UNESCO dans son ouvrage « Femmes dans l’histoire de l’Afrique », paru en 2013.
Le verbe portugais « Gingar » évoquant la souplesse, se réfère au mouvement corporel de la reine, notamment lorsqu’elle était en pleine négociation. Zingar, Singar, Njinga Mbande, Ana NZinga, Dona Ana de Sousa (la liste n’est pas exhaustive), sont autant de noms attribués à la Reine en raison des difficultés de transcription de la langue Kimbundu, mais également du fait que Nzinga signait elle-même ses correspondances à chaque fois d’un nouveau nom… Comme pour témoigner de sa « sérénité » face à l’adversité.
Maggy Lynn