« Cette campagne qu’il y a contre nous, ce terrorisme diplomatique, médiatique et psychologique contre nous, ça ne nous fera pas bouger d’un iota. », a déclaré le Premier ministre malien, samedi 15 janvier à l’ORTM. Choguel Maïga dénonce les intentions de la France au Mali : « Nous étions venus ici il y a 100 ans, autrement dit en Afrique, nous sommes partis il y a 60 ans, nous sommes revenus pour 100 ans », rapporte-t-il de la part du commandant de Barkhane.
S’adressant à la télévision nationale malienne samedi 15 janvier, le Premier ministre malien a tenu un langage de vérité. Au lendemain des manifestations monstres des maliens sur l’ensemble du territoire contre les sanctions de la Communauté Economique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et toute ingérence étrangère dans la présente Transition, Choguel Maïga n’a pas mâché ses propos. « C’est l’Elysée qui a dit que les vols d’Air France sont suspendus jusqu’à nouvel ordre », a-t-il déclaré avant de dénoncer une campagne internationale de dénigrement contre le gouvernement de Transition : « Cette campagne qu’il y a contre nous, ce terrorisme diplomatique, médiatique et psychologique contre nous, ça ne nous fera pas bouger d’un iota. Nous sommes en coopération avec l’État russe comme nous le sommes avec d’autres États. Je ne sais même pas pourquoi ils ne parlent que de la Russie. »
Les pays de la CEDEAO restent les frères du Mali
Choguel Maïga s’est étendu sur les sanctions de la CEDEAO, prises selon lui sur la base de « médias d’un autre pays », sans aller à la source de l’information en engageant un dialogue direct avec Bamako, fondant les soupçons de Bamako sur l’existence d’ingérences étrangères, « Ça rentrait dans une stratégie de diabolisation du Mali », insiste le Premier ministre. « Aujourd’hui, nous avons les capacités de projection et de destruction du terrorisme. Ce qu’on a fait entre le 28 décembre 2021 et le 10 janvier en termes de résultats probants, c’est plus que ce qu’on a fait pendant les 10 dernières années réunies. Mais il y a eu le black-out total, on n’en parle pas ».
Choguel Maïga a par ailleurs tenu à défendre l’intégrité de l’organisation et des conclusions des Assises Nationales de la Refondation, critiquées par certains partis politiques et organisations de la société civile comme non-inclusives et aux recommandations dictées par Bamako. « Les Assises font partie des revendications du peuple portées par le M5-RFP depuis juin 2020 », a-t-il affirmé. « Elles sont historiques, elles sont fondamentales, elles sont essentielles, elles sont vitales […] pour la réhabilitation et le redressement de la nation malienne ». La Premier ministre malien maintient que tous y ont participé, même dans les lieux frappés par le terrorisme. « Nous nous sommes imposés l’obligation de rendre exécutoires les résultats des Assises », contrairement aux autres forums précédemment organisés qui ont été « mis dans des tiroirs », a-t-il également assuré, précisant que les conclusions de la conférence seront mises en œuvre par un « Comité de suivi » dès que le rapport final sera déposé.
Beaucoup en Afrique prennent le pouvoir, « ils font des élections, ils se font élire sur la base d’un programme, une fois qu’ils s’installent ils mettent […] tout aux calendes grecques. Nous avons dit non. Nous, nous avons 5 revendications portées par le peuple : la restauration de la sécurité sur l’ensemble du territoire, la lutte contre la corruption et l’impunité, organiser des élections de manière à minimiser les risques de contestation des élections, opérer les réformes politiques et institutionnels, et vous avez vu que les Assises ont demandé de réécrire la Constitution pour faire une nouvelle Constitution, enfin, mettre en œuvre de façon intelligente l’Accord pour la Paix et la Réconciliation de manière à exclure toute possibilité de partition du Mali à moyen ou long terme. Nous voulons créer les conditions pour rendre ce processus irréversible. Et le temps que nous avons demandé à la CEDEAO est le temps nécessaire pour implémenter ces réformes voulues par le peuple », a également expliqué Choguel Maïga.
« Dans les négociations, on aurait pu nous présenter des experts », afin de discuter de la faisabilité de certains programmes dans le temps estimé. La négociation était possible selon le Premier ministre malien. Mais les objectifs étaient autres selon lui, il fallait « assommer » le Mali, « punir » les dirigeants maliens et ceux qui osent contester « un certain ordre ». « Il y avait un autre agenda, tracé déjà ». « Ce processus-là, je suis convaincu que si c’était la CEDEAO qui l’avait maitrisé depuis le début, comme elle l’avait voulu dès décembre 2020, on aurait trouvé une solution. La CEDEAO reste une organisation frère […] Ce qui s’est passé, moi je le considère comme une brouille dans une famille, ça va arriver, ça arrivera encore […] Ce que nous ne pouvons pas négocier c’est de nous dire de ne pas faire les réformes, organiser simplement des élections, mais avec qui ? Pour faire quoi ? », interroge-t-il.
Concernant la composition d’un front de contestation pour le 27, date à partir de laquelle la légitimité des autorités de Transition sera épuisée, car étant dans l’impossibilité d’organiser des élections, Choguel Maïga dénonce les critiques calculées de l’opposition : « On les attend le 27 février, on verra bien […] Le Président de la Transition a demandé à tous les maliens l’union sacrée […] Cette Transition-là, elle n’a pas le même sens pour tout le monde. Certains pensent qu’il s’agit de politiciens qui se partagent le pouvoir. Quand tu es là-dedans tu es d’accord, quand tu n’es pas dedans, tu dis que tu n’es pas d’accord. […] Je demande à mes frères qui sont dans cette contestation de revoir leur copie […] Je voudrais lancer un appel à l’ensemble des forces politiques : donnons-nous la main pour sauver notre pays. »
Le Mali et la France, « de vieux amis »
« Je voudrais dire à nos partenaires français :Nous ne sommes pas contre la France, nous ne pouvons pas l’être d’ailleurs […] Les français qui sont morts ici, nous n’allons jamais les oublier. Les africains qui sont morts […] notre peuple ne peut pas les oublier.Mais ce que nous demandons : qu’on nous respecte, qu’on ne porte pas atteinte à notre dignité, qu’on ne nous insulte pas, qu’on ne nous empêche pas d’assurer la souveraineté de notre État. En France, en dehors de la communauté algérienne, la communauté la plus importante, ce sont les maliens. Leur poids dans l’économie est plus important que l’aide française à notre économie […] Vous croyez qu’un gouvernement responsable peut se mettre contre ce pays ? Nous ne le sommes pas. Mais il faut que les dirigeants français se disent que les époques ont changé, que les interlocuteurs à la tête du Mali ont changé, que le Mali n’est pas comme certains pays, faut pas qu’ils se trompent d’époque, d’interlocuteur et de pays, pour le reste, la France et le Mali sont de vieux amis, il peut avoir des scènes de ménage mais on va se retrouver… Avec les africains, nous ne doutons pas, avec la CEDEAO. »
Toutefois, le Premier ministre malien n’est pas dupe sur les intentions de la France au Sahel, comme le montrent les propos qu’il rapporte du commandant de la force Barkhane. « Nous étions venus ici il y a 100 ans, autrement dit en Afrique, nous sommes partis il y a 60 ans, nous sommes revenus pour 100 ans », a affirmé le haut gradé français. « Tirez vous-même les conclusions. Et les africains comprendront beaucoup de choses. Pourquoi au Mali nous avons toutes ses forces là : Barkhane, Takuba, G5 Sahel […] et ça ne fait qu’empirer. À la fin c’est la désintégration de l’État. La suite, on peut l’imaginer. », a conclu Choguel Maïga. Ces propos désignent ni plus ni moins, une recolonisation de l’Afrique par la militarisation, avec pour prétexte la lutte contre le terrorisme.
En outre, nous apprenons que le Mali a demandé que des amendements soient apportés aux traités de défense (dont Barkhane et Takuba) qui le lient à la France. « Nous voulons relire les accords déséquilibrés qui font de nous un État qui ne peut même pas survoler son territoire sans l’accord de la France. », annonçait déjà le Premier ministre malien.
Teria News