À intransigeance variable, la CEDEAO menace le Mali de sanctions si des élections ne sont pas organisées en février. Des élections, pour quoi faire ? Le Mali est-il un nouveau cas illustrant l’obsession électorale et la démocratisation à marche forcée qui plombe le continent ?
Entre le marteau et l’enclume, la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a choisi son camp. Ce sera celui de l’intransigeance électoraliste contre ce qui pourrait passer pour une promotion des coups d’État. Le problème c’est que des élections, l’Afrique en a organisé « en veux-tu, en voilà », mais à part faire joli et donner le change, elles n’ont trop souvent servi à rien.
Des élections pour des élections, un absolutisme à abolir ?
Côte d’Ivoire, Guinée, Togo, les élections organisées en 2020 dans la sous-région ouest-africaine se sont révélées des caches misère : celle de systèmes à bout de souffle, qui tirent sur la corde électorale en misant leur reconnaissance sur des scrutins dont l’issue est courue d’avance. La sacro-sainte trinité de l’urne, l’isoloir et du bulletin est dévoyée avec la complicité des bailleurs de fonds internationaux. Les mêmes qui soumettent les régimes à la pression électorale, s’empressent de reconnaitre des scrutins truqués. Les populations elles, se retrouvent coincées dans un formol institutionnel, abandonnées à la mal-gouvernance qu’il enfante immanquablement. Osons le dire, dans certains pays africains, les élections sont des distractions gargantuesques en termes de financement public et sans effet sur le bien-être des peuples. Profond, le problème est encouragé par des cycles électoraux calqués sur l’occident : sept, puis cinq ou quatre ans.
Ici, la CEDEAO conditionne son soutien au Mali à la tenue d’élections en février, mais quelle signification peuvent-elles avoir dans le contexte, notamment sécuritaire du pays ? Reflet d’une ontologie occidentale, par peur d’encourager les coups d’État dans la sous-région, la CEDEAO pousse au scrutin, quitte à obtenir le carnaval dans le désert que serait la débauche d’énergie et la dilapidation des finances publiques au Mali. Si une transition sans fin est intolérable, en particulier au vu de l’histoire contemporaine du Mali et de la réplique guinéenne, la démocratie réduite à sa conception électoraliste n’est pas la réponse.
De nouveau, la CEDEAO menace Bamako de sanctions, effectives dès janvier 2022, en dépit de l’engagement du président de transition, Assimi Goïta, à proposer avant fin janvier un calendrier électoral. Elles n’ont jusqu’ici été qu’individuelles et visent depuis 7 novembre, environ 150 personnalités, dont le Premier ministre, la quasi-totalité du gouvernement malien, ainsi que leurs familles. « La République du Mali, par ma voix, s’engage à vous fournir au plus tard le 31 janvier 2022 un chronogramme (calendrier) détaillé », a promis Assimi Goïta à la CEDEAO dans un courrier destiné aux chefs d’État rassemblés dimanche à Abuja. Il est prévu que ce calendrier soit élaboré à l’issue des « Assises nationales de la refondation », lancées samedi par Bamako.
« Les chefs d’État, après de longs échanges, ont décidé de maintenir la date du 27 février 2022 pour l’organisation des élections au Mali. Ils ont décidé de l’entrée en vigueur de sanctions additionnelles en janvier 2022 »
Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la CEDEAO, en clôture du sommet
Parle maintenant ou tais-toi à jamais…
Le débat ne sera pas résolu par la CEDEAO. Qu’espérer d’une institution qui s’est jusqu’ici, surtout illustrée comme un syndicat de chefs d’État qui défendent leurs intérêts au rythme de tripatouillages de la Loi fondamentale, au détriment de la CEDEAO des peuples. L’organisation aurait gagné à condamner fermement les coups d’État constitutionnels, en l’espèce, le meilleur mécanisme de prévention des coups d’État militaires. Mais son silence d’alors la rend aujourd’hui inaudible. Parce que muette devant les coups de force d’Alpha Condé et d’Alassane Ouattara, les peuples lui demandent de se taire à jamais.
L’exemple du Mali, interroge sur la rationalité d’une généralisation aveugle de l’exigence électorale en Afrique. Déviance et mirage qui ne font que couver des contextes crisogènes.
Teria News