En Guinée, la CEDEAO fait contre mauvaise fortune, bon cœur. Fini les intimidations et la confrontation. L’organisation rend les armes face à la fermeté de Mamady Doumbouya. Sa mission de 3 jours menée à Conakry s’est soldée par un soutien aux militaires, salués pour avoir enclenché une « dynamique positive ». Comment expliquer ce retournement de situation ?
L’arrivée jeudi de Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Conakry, marque un revirement de l’organisation. À la tête d’une délégation chargée de constater les avancées de la Transition guinéenne, l’émissaire a révélé l’infléchissement de l’institution. D’abord hostile au coup d’État du 5 septembre mené par le colonel Mamady Doumbouya, la CEDEAO a, dans son rôle, suspendu la Guinée de ses instances et gelé les avoirs des têtes de pont du coup de force. Aujourd’hui, le ton belliqueux semble avoir été échangé pour une approche plus conciliante.
« La transition a produit une Charte, il y a des nominations importantes qui ont été faites, et le gouvernement se met en place progressivement. Et donc nous sommes là pour rencontrer les autorités et faire un peu le point, voir surtout dans quelle mesure la CEDEAO peut accompagner de manière pratique, de manière concrète le processus en cours. »
Jean-Claude Kassi Brou
« C’est une dynamique positive qu’il faut saluer. Nous avons également noté de très bonnes dispositions pour pouvoir aller de l’avant. Nous avons également salué les concertations, l’écoute qui a été un des paramètres clé dans les actions des autorités de la transition. », a par ailleurs commenté le chef de mission. Quid du délai de Transition de six mois, exigé au lendemain du coup d’État et de la libération d’Alpha Condé ? La CEDEAO n’en fait visiblement plus des prérequis au dialogue avec les nouveaux dirigeants de la Guinée. « Nous restons à l’écoute », a simplement déclaré Jean-Claude Kassi Brou au sujet de la durée de Transition.
Une tentative de récupération politique ?
Même si la CEDEAO fonde sa bonne volonté sur l’adoption d’une Charte, la nomination de Mohamed Béavogui, un Premier ministre civil et celle de ministres à quelques portefeuilles gouvernementaux, difficile de dire que les militaires ont cédé aux pressions de l’institution. La fermeté de Mamady Doumbouya, avançant selon sa feuille de route et son calendrier, au nez et à la barbe des vociférations de la CEDEAO, semble avoir contraint cette dernière à l’apaisement. En effet, au risque de se voir totalement exclue du processus de Transition et de voir ainsi son autorité, déjà malmenée, totalement tronquée du territoire guinéen, la CEDEAO tente une opération de récupération. Maladroite certes, mais la manœuvre, lui permet de rester dans le jeu, de pouvoir revendiquer contribuer à guider l’ère post-Condé et de continuer à être un interlocuteur, voire un médiateur de la « communauté internationale » sur le dossier guinéen.
« L’atmosphère est apaisée, nous nous retrouvons et nous attendons beaucoup de la CEDEAO, de son accompagnement, de son appui. Et nous allons avoir des entretiens fructueux surement je suis tout à fait sûr, donc il est chez lui ici. », a pour sa part déclaré le gouvernement de Transition par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté.
Teria News