Ce samedi, Alger a annoncé rappeler son ambassadeur en France « pour consultations ». Alger n’aurait pas digéré qu’Emmanuel Macron accuse l’Algérie de s’être construite sur une « histoire officielle », qu’il estime « totalement réécrite », qui « ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France ». Que visent des propos d’une telle violence ?
Historiquement tumultueuses, les relations entre l’Algérie et la France connaissent une nouvelle crise. Mohamed Antar-Daoud est rappelé à Alger ce samedi 2 octobre, selon un communiqué lu à la télévision. C’est le deuxième rappel depuis mai 2020. La pomme de discorde serait, selon les médias locaux, contenue dans un article du journal Le Monde. Emmanuel Macron y déclare qu’après son indépendance en 1962, l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle » entretenue par le « système politico-militaire ». De plus, le président français y estime que l’Algérie s’est fondée sur une « histoire officielle », qu’il estime « totalement réécrite », qui « ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France ».
Du racolage pour ratisser large à sa droite ?
Les propos d’Emmanuel Macron sont à lire comme l’acte II d’une campagne de séduction envers l’extrême droite. Le camp présidentiel s’alarme en effet de l’ascension d’Eric Zemmour dans les sondages (15% d’intentions de votes, devant la droite) et tente de récupérer le discours raciste, maquillé en souverainisme de ses soutiens. Le polémiste se rêve volontiers en Donald Trump français et grapille de plus en plus de points au Rassemblement National de Marine Le Pen. Le président français, candidat tacite à sa succession, a donc choisi de revendiquer une légitimité sur les mêmes thèmes que ceux de l’extrême droite : l’angoisse identitaire face à la mondialisation, la théorie du grand remplacement de la France judéo-chrétienne par l’islamisme porté par une immigration dite « incontrôlée » et l’insécurité. L’Algérie et les Algériens, premier groupe d’étrangers installés en France, sont les cibles de choix de cette stratégie.
Rappelons que l’acte I de la stigmatisation des immigrés par Emmanuel Macron a commencé mardi. Paris avait alors annoncé une réduction du nombre de visas accordés aux ressortissants du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, en raison du « refus » de ces pays du Maghreb de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France. Pour l’Algérie, il s’agit d’une baisse de 50%. Au lendemain de cette décision, Alger a convoqué l’ambassadeur de France.
Cette violence de précampagne présidentielle est d’autant plus saisissante qu’elle tranche avec des déclarations de 2016. Emmanuel Macron avait alors qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ». Une position particulièrement appréciée par les Algériens. Mais les enjeux électoraux de 2022 sont tout autres. Cette fois, le candidat Macron ne convoite pas les « votes immigrés », qu’il compte finir par rallier à lui comme le seul rempart contre l’extrême droite, mais ratisse large à sa droite pour puiser dans le vivier Zemmour/Le Pen. Mais jusqu’où ira le racolage électoral ?
Teria News