Victime d’un règlement de compte géopolitique au même titre que Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé a-t-il été lâché par le clan Gbagbo? Rentré au pays le 17 juin dernier, l’ancien président a laissé derrière lui son compagnon d’injustice. Errant de plateau télévisé en plateau télévisé, l’ancien ministre de la Jeunesse se bat contre l’oubli.
L’ancien président Laurent Gbagbo est définitivement rentré sur la terre de ses ancêtres le 17 Juin 2021, après une décennie passée dans les geôles de la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité, faisant de lui et de son ancien ministre de la Jeunesse et ex leader des « Jeunes Patriotes », les prisonniers Africains les plus populaires de cette décennie.
Cependant, il y a un grand absent: Charles Blé Goudé, qui n’a toujours pas reçu son passeport de la part des autorités ivoiriennes, afin de rentrer en Côte d’Ivoire à la suite de son mentor aux côtés duquel il a fait une longue marche vers la liberté.
Depuis le retour de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé a entamé une campagne médiatique, enchaînant les plateaux télévisés à forte audience. De France 24 à TV5 Monde en passant par Africa 24, Blé Goudé plaide sa cause pour que son gouvernement favorise les conditions de son retour, comme promis par le chef d’État ivoirien. Peut-être souhaite-t-il aussi se rappeler au bon souvenir de Laurent Gbagbo.
Considérant la portée panafricaine du sort des deux hommes, il est légitime de se demander pourquoi aucun État africain n’a ouvertement accordé l’asile à l’ancien ministre de la Jeunesse, ne serait-ce que temporairement, en attendant que les autorités ivoiriennes ne lui remettent un passeport. L’Afrique de l’Ouest francophone tremble-t-elle devant le courroux du président Ouattara ? Sur le continent dans son ensemble, des initiatives discrètes dans ce sens ont-elles été menées ? Des offres auraient-elles été refusées par l’intéressé ?
« Je me rappelle le 31 mars, ils avaient tous les oreilles vers La Haye, le cœur vers La Haye et lorsque nous avons été définitivement acquittés, c’était comme si l’Afrique toute entière avait remporté une coupe du monde », a affirmé Charles Blé Goudé dans une interview sur Africa 24. Qu’il nous souvienne l’appui des États africains d’alors, Zimbabwe, Zambie, Algérie, Bénin et autres, aux partisans de l’ANC au cœur de l’apartheid. Les leaders Africains de notre temps seraient-ils moins solidaires devant le sort inique de dignes fils du continent ?
Charles Blé Goudé se veut optimiste quant à son retour au pays: « Ce qui doit arriver finira toujours par arriver », philosophe-t-il. « Je suis patient. Mon retour ne dépend pas de moi, mon retour dépend du président de la Côte d’Ivoire qui a dit que je pouvais rentrer si je le souhaite. ». Par sagesse, il prône la réconciliation avant toute considération politique : « Mon avenir politique ne peut pas se dérouler dans un environnement tel que celui que je vois, un environnement de conflit permanent. La première des choses qui compte pour moi aujourd’hui est de rassembler à nouveau les Ivoiriens, c’est-à-dire participer à recoudre ce qui a été déchiré. »
La situation de l’ancien ministre, définitivement acquitté par la CPI, mais toujours en attente de son passeport, doit interpeller chaque africain dans sa fibre panafricaniste. Quelle image donnons-nous ainsi au monde ? Mais surtout, comment comprendre le silence du camp Gbagbo sur le sujet? Hormis Simone Gbagbo qui a daigné appeler au retour de Blé Goudé lors d’une récente sortie médiatique, personne ne semble se préoccuper du sort de l’ex leader des « Jeunes Patriotes ».
Bien que Charles Blé Goudé se dise toujours en contact direct avec Laurent Gbagbo, la distance entre les deux hommes vers la fin de leur captivité était manifeste. Y-a-t-il eu rupture entre les compagnons d’infortune au point que Laurent Gbagbo fasse cavalier seul ? Ou Charles Blé Goudé fait-il partie d’une stratégie à long terme de son ancien mentor ? Si tel était le cas, l’intéressé, par son ardeur à plaider sa cause, semble ne pas être dans la confidence.
Teria News
