L’Etat Sénégalais vient d’essuyer le désaveu de la Cour de justice de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). La pomme de discorde : les règles relatives au parrainage dans le cadre de la présidentielle de 2024. D’aucuns s’interrogent: le pays va-t-il se conformer à cette décision ou allonger la liste des arrêts bafoués par les Etats membres ?
« La Cour décide que les formations politiques et les citoyens du Sénégal qui ne peuvent se présenter aux élections du fait de la modification de la loi électorale [en 2018] doivent être rétablis dans leurs droits par la suppression du système de parrainage, qui constitue un véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote, d’une part, et une sérieuse atteinte au droit de participer aux élections en tant que candidat, d’autre part. » Ainsi a tranché la Cour de justice de la Cédéao le 28 avril dernier, date à compter de laquelle l’État du Sénégal dispose de six mois pour supprimer ce dispositif.
Mais l’institution a principalement fondé sa décision sur la violation du secret du vote : « En effet, cette loi viole le secret du vote en obligeant les électeurs à déclarer à l’avance à quel candidat ils ont l’intention d’accorder leur suffrage puisqu’un électeur ne peut parrainer qu’une seule candidature« , ont écrit les magistrats.
Macky Sall ou la stratégie du vide?
C’est en tous cas ce code électoral qui, en 2019, avait permis au président sénégalais d’éliminer de nombreux candidats à la magistrature suprême. Une véritable hécatombe. Sur 87 dossiers de candidature déposés devant le Conseil constitutionnel, seuls cinq, dont celui de Macky Sall ont été validés.
L’autorité de la Cour de justice de la Cédéao comme d’autres instances supra étatiques bafouée par les États
C’est le lieu de s’interroger sur le respect des décisions issues de ces instances par les États membres. Si adhérer à une organisation communautaire sous-entend clairement que chaque État choisit librement de concéder une part de sa souveraineté à l’institution supra-nationale, et ce faisant, contrairement à ce qui est d’ordinaire avancé par les États contrevenants, pose un acte positif de souveraineté, comment comprendre la fréquence de violations des décisions prises par lesdites institutions ?
D’une part, il faut considérer les raisons de cette remise en cause perpétuelle des accords internationaux par les pays africains quand les décisions prises leur sont défavorables et d’autre part, analyser la crédibilité ainsi que la liberté de ces décisions rendues par les instances sous-régionales ou régionales.
Si elles font office de vernis démocratique et de progrès de gouvernance, ces institutions deviennent encombrantes et leurs décisions sont balayées du revers de la main dès qu’elles daignent, de facto, faire contre-pouvoir en disant le Droit.
Une incursion dans le fonctionnement des institutions sur le continent révèle maintes irrégularités, notamment les mirobolantes subventions extérieures de pays en position d’ex-colons et l’accumulation de retards dans l’acquittement des cotisations par leurs membres, ce qui pose évidemment une question pourtant crutiale d’autonomie.
La décision unilatérale, sans risque de radiation ou de sanctions, du Président Alassane Ouattara au sujet de l’Eco, à l’origine monnaie communautaire de la Cédéao, dans l’unique but de maquiller le franc CFA, vestige colonial controversé, en « CFA 2.0 », est un cas édifiant illustrant les maux qui rongent les organisations sous-regionales sur le continent.
Ces allégeances courantes à l’endroit de puissances extérieures au grand dam des intérêts communautaires plantent le décor des manipulations qui gangrènent la liberté ainsi que la crédibilité de nos institutions.
Crédibilité d’autant plus douteuse que la majorité de ces États qui se réfugient derrière ce qui n’est qu’une interprétation du concept de souveraineté, sont toujours des membres actifs du traité de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI). Après tout, quoi de mieux pour évacuer les opposants gênants et les mettre hors d’état de nuire?
D’un constat à l’autre, l’Afrique s’avère un imbroglio institutionnel à assainir pour le déclic d’un essor véritablement africain.
L’Eveilleur de Conscience Panafricaine