La mesure était notamment réclamée par l’Inde et l’Afrique du Sud. Elle permettrait d’accélérer la production et la distribution des vaccins anti-Covid dans un contexte où le nationalisme vaccinal a pris le pas sur les promesses de faire du vaccin un bien public universel.
La course aux vaccins bat son plein au détriment des pays les moins avancés, les pays riches comme le Canada ayant acheté aux différents laboratoires producteurs de vaccins jusqu’à trois fois le nombre de doses dont ils ont besoin pour leurs populations.
Dès octobre, alors que les agences du médicament nationales et régionales accordaient progressivement les autorisations de mise sur le marché aux laboratoires, l’Afrique du Sud et l’Inde, deux géants des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) avaient réclamé auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) un vaccin universel, c’est à dire sans brevet, libre de toute propriété intellectuelle. Un enjeu d’autant plus important pour ces deux pays qu’ils sont parmi les plus touchés par la pandémie de Covid-19. Aux prises avec un variant local, depuis plusieurs semaines, l’Inde qui connait une crise sanitaire inédite, bat de tristes records de contagion et de mortalité (230 000 à ce jour). L’Afrique du Sud pour sa part est le pays le plus touché du continent et a connu un regain de contagions avec l’apparition de son variant fin 2020.
Nécessité d’accompagnement
Si le secret jalousement gardé par l’industrie pharmaceutique venait à être dévoilé, il deviendrait un bien public. Tout pays aurait alors la possibilité de le produire localement. Le défi sera alors d’accélérer le processus de transfert de technologies et de doter les pays africains de chaînes d’approvisionnement. La levée des brevets sera un pas important mais qui nécessitera donc d’importantes mesures d’accompagnement et d’investissements.
L’Afrique pourrait dynamiser sa capacité de fabrication. Le Maroc et l’Algérie figurent parmi les premiers en capacité de se positionner sur le continent. L’Afrique du Sud et l’Institut Pasteur au Sénégal devraient suivre de près. Seulement 2% des doses disponibles dans le monde ont été administrées en Afrique. Déjà infime, ce taux vient de tomber à 1% à cause des retards de livraison de l’Inde.
Déjà premier fabricant médicaments génériques au monde, avec cette démocratisation, l’Inde de son côté devrait devenir le deuxième producteur de vaccins de la planète.
Big Pharma décidée à se battre
La Fédération de l’industrie pharmaceutique dénonce une requête qui pourrait être contre-productive, et freiner la recherche. L’agence de santé de l’Union africaine appelle elle à la patience : même si la mesure finit par passer, augmenter la production demandera encore du temps et des investissements. Pas sûr que Big pharma après avoir investi des milliards dans la recherche et avoir mené une guerre farouche à la chloroquine pour se tailler la grosse part du marché avec son vaccin, se laisse ainsi dépouiller. Une telle levée de brevet pourrait également faire jurisprudence et constituer un précèdent dangereux pour les intérêts de l’industrie pharmaceutique.
Une nouvelle réunion de l’OMC devrait être programmée d’ici à la fin du mois, avant l’organisation d’un conseil spécifique début juin. Autant dire qu’étant donné l’urgence, la route pourrait s’avérer encore longue.
Si cette prise de position des États-Unis va à l’encontre des intérêts du marché, elle s’inscrit dans la volonté de l’Amérique de regagner son leadership global. Quoi de mieux que de se ranger du côté des laissés pour compte du système pour remonter sa cote dans l’opinion publique internationale? Un pas de côté par rapport à « l’Amérique d’abord » de Donald Trump, mais seulement de côté car les États-Unis ont sécurisé assez de doses pour leur propre population.
Teria News