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Tchad: l’opposition courroucée par des propos tenus par Idriss Déby samedi lors d’un meeting

Un mot prononcé par le président Tchadien au cours de son premier meeting de campagne en vue de la présidentielle du 11 avril à mis le feu aux poudres. Samedi, dans un stade de Ndjamena, Idriss Déby a utilisé un terme en arabe local qualifié d' »insultant » par l’opposition.

« Ni ori lekoum hak !!! Damboula hanakoum !!! (« Je vous envoie chier !!! Je vous encule »), a clamé Idriss Déby lors de son premier meeting de campagne, dimanche 14 avril au stade Idriss Mahamat Ouya de N’Djamena. Des termes qui ont courroucé l’opposition et la société civile. Elles dénoncent des propos « insultants et méprisants » destinés aux opposants en exil.

Plus qu’une provocation, une stratégie

Contrairement à l’impression qu’il souhaite donner, les mots lâchés par Idriss Déby, candidat à un sixième mandat, ne sont pas un dérapage survenu spontanément sur le moment présent. Il est probable qu’ils aient plutôt été préparés et soient le fruit d’une stratégie bien mûrie, celle de l’écran de fumée.

Maniée par les hommes politiques sous toutes les latitudes et avec virtuosité par Donald Trump ou Jaïr Bolsonaro, la stratégie de l’écran de fumée permet de faire diversion en dirigeant l’attention de la cible vers un « faux problème » pour l’empêcher de voir ceux qui gênent vraiment le pouvoir. À ce jeu, rien n’est plus efficace que la provocation.

Ici, Idriss Déby choque les émotions de la population pour faire de ses outrages le principal sujet de conversation, de sorte qu’ils phagocytent l’espace public.

Confiscation du pouvoir, mal-gouvernance, gabegie, violations des droits humains

Car, pendant ce temps on ne parle plus du bilan pitoyable du maréchal Idriss Déby qui, après 30 ans au pouvoir a été incapable d’assurer les besoins en eau et en électricité de son peuple. Ainsi, en 2016, seuls 8.83% de la population avait accès à l’électricité. Le pays a la plus faible consommation d’énergie par habitant au monde.

Or, le Tchad ne manque ni de ressources ni de revenus. En effet, la manne pétrolière a rapporté 76,5 milliards de francs CFA à l’État au cours du premier trimestre 2019. Une manne qui tombe de façon sélective dans les poches du clan d’Idriss Déby. Le président Tchadien a en effet érigé le népotisme en principe de gouvernance, en plaçant sa famille ou des proches à des postes-clés de l’armée, de la haute fonction publique, et en ne laissant jamais les outsiders longtemps en fonction. Le pays est 187e sur 189 dans le classement de l’indice de développement humain (IDH) de l’ONU.

Idriss Déby a par ailleurs centralisé les pouvoirs exécutifs, notamment en supprimant le poste de Premier ministre et en s’arrogeant ses prérogatives.

Interpellations ciblées, interdiction des rassemblements politiques et plus récemment raid meurtrier sur la résidence de l’opposant Yaya Dillo qui a notamment perdu sa mère et un neveu tombés sous les balles des forces de sécurité Tchadiennes, le bilan du régime Déby en termes de droits humains est sombre.

En outre, la France qui l’a installé en 1990 est un maillon important de la stabilité de son règne. L’armée française l’a sauvé de coups d’État en 2008 et 2019 (en faisant passer le bombardement d’une colonne rebelle pour un acte de lutte antiterroriste) et le Trésor français paie régulièrement les salaires des fonctionnaires Tchadiens. Idriss Déby est présenté comme un rempart contre le terrorisme dans une région déstabilisée par la crise libyenne. Il s’est rendu indispensable en fournissant des soldats à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), à Serval et aujourd’hui à Barkhane dont il vient de renforcer les effectifs de 1200 soldats en février 2021, parce que la France ne pouvait pas se permettre de le faire.

Teria News

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