Pensant échapper à un procès en plaidant coupable et en s’acquittant d’une amende de 375.000 euros, Vincent Bolloré a vu ses espoirs douchés par la justice française vendredi 26 février. Le milliardaire français, visage de la françafrique pourrait être jugé en correctionnel pour corruption au Togo.
Vincent Bolloré, Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, et Jean-Philippe Dorent, directeur international de l’agence de communication Havas (filiale du groupe Bolloré), ne s’attendaient pas à être éconduits par le Tribunal judiciaire de Paris. L’industriel français avait pourtant choisi de plaider coupable dans une affaire de « corruption » dans l’enquête sur des concessions portuaires en Afrique de l’Ouest, notamment au Togo et en Guinée. Coup de théâtre, le Tribunal a rejeté ce plaider coupable, obligeant l’affaire à passer en correctionnel. Une juge a en effet estimé que les peines étaient « inadaptées au regard » de la gravité des faits reprochés, des faits qui ont « gravement porté atteinte à l’ordre public économique » et « à la souveraineté du Togo », a déclaré la juge. Le Tribunal a néanmoins validé une amende de 12 millions d’euros, à verser « au Trésor public sous dix jours », qui éteint l’action judiciaire contre le groupe Bolloré.
Une information judiciaire avait été ouverte fin 2013 pour « corruption d’agent public étranger, abus de confiance et complicité d’abus de confiance » commis entre 2009 et 2011. Concernant la Guinée, la mise en examen des intéressés pour une partie des infractions avait été annulée par la cour d’appel de Paris en juin 2019 pour cause de prescription.
Conseils en communication contre contrôle du port de Lomé et Conakry : un « simple troc »
L’affaire est celle d’échanges de bons procédés entre Vincent Bolloré et les Chefs d’Etats Faure Gnassingbé et Alpha Condé. L’industriel français, qui possède le groupe de communication Havas, a reconnu avoir fourni des conseils en communication pour assurer aux deux présidents africains leur élection en 2010. Ces conseils auraient été largement sous-facturés aux deux candidats, en échange de l’attribution de deux terminaux à conteneurs à la filiale Bolloré Africa Logistics dans les ports de Conakry et de Lomé. Le libre jeu de la concurrence a été faussé en faveur de Bolloré, notamment au détriment de deux autres hommes d’affaire français.
« Bolloré remplissait toutes les conditions d’appel d’offres. », « C’est un ami, je privilégie les amis. Et alors ? »
Alpha Condé, président Guinéen
« On ne nous a rien donné […] Si le groupe Bolloré se développe en Afrique, c’est parce que nous prenons des risques. Les gens n’osent pas investir. », avait répondu l’industriel à ses détracteurs.
Les méthodes douteuses de l’ami des présidents français
Vincent Bolloré est réputé pour sa brutalité en affaires, révélée dans le documentaire « Bolloré, un ami qui vous veut du bien ? » (Prix Albert-Londres 2017). OPA hostiles en France et passe-droits en Afrique où son empire s’étend sur 46 pays, dans des secteurs aussi divers que le transport, la logistique, le fret maritime et l’huile de palme. Bolloré Africa Logistics, la branche la plus florissante de son groupe, a affiché en 2019 un chiffre d’affaire de 71 899 200,00 €. « Smiling killer » (« le tueur au souriant ») semble avoir une répulsion particulière pour les appels d’offre. En effet, le milliardaire leur préfère de loin les accords de gré à gré opaques, souvent négociés grâce à ses entrées dans les plus hautes sphères de l’Etat français, jusqu’à l’Elysée, de telle sorte que dire non à Vincent Bolloré relève de l’incident diplomatique, et expose qui s’en rend coupable à la réprobation de Paris.
Il appartient désormais à un magistrat d’ordonner ou non un procès pour Vincent Bolloré, Gilles Alix et jean-Philippe Dorente.
Avec cette stratégie de défense et cette décision judiciaire, la corruption des élites africaines, en l’espèce du président togolais Faure Gnassingbé est exposée. Il apparaît que les ressorts de la françafrique ne sont pas les seuls vocacité et impérialisme de l’ancienne puissance coloniale, mais aussi la complicité des élites du continent, en particulier des dirigeants qu’il se choisit.
Teria News