Conséquence directe des bons résultats publiés par la prestigieuse revue scientifique The Lancet. Après le discrédit jeté par la communauté scientifique sur le vaccin, Moscou savoure ce retournement comme une victoire scientifique et géopolitique.
Après avoir été accueilli, au mieux avec condescendance, au pire avec moquerie, la réhabilitation scientifique du Spoutnik V est une revanche géopolitique pour la fierté russe. À l’image de l’organisation mondiale de la santé, c’est avec pincettes que la communauté scientifique a d’abord pris son homologation par les autorités sanitaires russes au coeur de l’été 2020. Le retournement de situation est intervenu mardi 2 février, avec la publication par The Lancet d’une étude établissant l’efficacité du Spoutnik V contre le Covid-19 à 91.6%. Une revanche décuplée alors que la course au vaccin marque ce début d’année 2021. Et Moscou ne boude pas son plaisir. « C’est une publication très importante qui est très convaincante au sujet de la fiabilité et de l’efficacité du vaccin russe », a affirmé, mercredi 3 février, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. La veille, Kirill Dmitriev, patron du fonds souverain russe a dénoncé « la campagne pour discréditer le vaccin » pendant des mois, affirmant que « la Russie avait raison depuis le début » et que cette publication mettait « échec et mat » toutes les critiques.
Le Spoutnik V évoque le premier satellite russe envoyé dans l’espace, attaché au « V » de victoire. C’est dire à quel point la Russie a mis son honneur en jeu avec ce vaccin. Une référence prophétique puisque le succès du Spoutnik V signe aussi le retour dans l’élite scientifique mondiale de la recherche russe, un secteur où elle ne s’était plus illustrée depuis la chute de l’Union soviétique. Science, géopolitique, mais aussi, loi de l’offre et de la demande « Tous les jours, le nombre de pays qui enregistrent le vaccin augmente. Nous répondons très activement à la demande de pays qui veulent être fournis en vaccins », a affirmé le porte-parole du Kremlin. Devant l’incapacité des laboratoires Moderna, Pfizer-BioNTech et AstraZeneca à répondre à la demande européenne en vaccins anti-Covid 19, Bruxelles est maintenant disposée à commander le vaccin russe mais aussi chinois.
Le Spoutnik V victime de son succès ? Même Moscou n’est pas en mesure de satisfaire une telle demande. Plutôt qu’exporter, la Russie veut donc développer des partenariats de production. À ce jour, le Kazakhstan, l’Inde, la Corée du Sud et le Brésil produisent le Spoutnik V. Mais tous ne l’utilisent pas encore. « Dans un avenir très proche, nous entendons démarrer la production dans des pays étrangers pour répondre à la demande croissante dans toujours plus de pays », a précisé Dmitri Peskov.
Irrationalité et leçons non apprises
Dans un premier temps déclarés plus contagieux, les variants Britanniques, Sud-Africains et Brésiliens sont aujourd’hui soupçonnés d’être également plus virulents. Cependant, malgré les mutations du virus, les laboratoires continuent d’affirmer l’efficacité de leurs vaccins… Leur émergence et l’hiver qui s’est installé dans l’hémisphère Nord accélèrent la propagation du Covid-19 et rendent les États frénétiques. Tous ne sont pas égaux dans cette course, loin s’en faut. S’asseyant sur leurs promesses de considérer le vaccin comme un « bien public universel », les pays riches font la course en tête, au détriment des pays du Sud. Pourtant, 2020 a prouvé la dynamique implacable de la globalisation, qui veut qu’un seul battement d’aile dans un coin du monde a des répercussions sur la planète entière. Autrement dit, l’inégalité dans l’accès au vaccin peut revenir sur le Nord sous une forme ou une autre comme un effet boomerang. L’histoire se répète tant qu’on rechigne à apprendre ses leçons.
Teria News