Ce mercredi, Félicien Kabuga, 84 ans, comparaît devant la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris.
La veille, suite à son arrestation samedi 16 mai à Asnières-sur-Seine, en banlieue parisienne, il a été transféré à la prison de la Santé, et présenté au Procureur général près la Cour. Toutefois, après une requête de son avocat, Me Emmanuel Altit, l’audience sera probablement renvoyée à mercredi prochain. La Chambre disposera alors d’un délai de 15 jours pour se prononcer sur la validité du mandat d’arrêt émis par le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI), soit l’institution mandatée pour finaliser les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Si la Chambre rend un avis favorable, Félicien Kabuga pourra se pourvoir devant la Cour de cassation, laquelle devra statuer dans les deux mois suivant le pourvoi.
Puis, Félicien Kabuga devrait être transféré à La Haye, aux Pays-Bas. Si c’est le cas, il sera jugé par le MTPI au cours d’un procès qui se tiendrait soit à La Haye, soit à Arusha, en Tanzanie. Cependant il existe une autre hypothèse : le Rwanda pourrait demander à le juger. Cette éventualité est balayée par le MTPI qui estime être la seule structure compétente pour le poursuivre. Kigali ne pourra se saisir du dossier qu’après une refonte des statuts du MTPI, réforme qui devra être validée par un vote du Conseil de sécurité des Nations unies.
Félicien Kabuga est mis en accusation par le MTPI pour « génocide », « incitation directe et publique à commettre le génocide » et « crimes contre l’humanité (persécutions et extermination) ». Selon la justice internationale, il aurait créé les milices Interahamwe, principaux artisans du génocide de 1994 qui a fait 800 000 morts selon l’ONU. En 1994, Félicien Kabuga faisait partie des hommes de confiance du président rwandais Juvénal Habyarimana, dont l’assassinat le 6 avril 1994 a déclenché le génocide. Il présidait également la Radio télévision libre des Mille collines, célèbre pour avoir diffusé des appels aux massacre des Tutsi, et le Fonds de défense nationale, qui collectait des sommes destinées à financer les miliciens Hutu Interahamwe, selon l’acte d’accusation du TPIR.
Saluant l’arrestation de Félicien Kabuga dans un communiqué, le procureur du MTPI, Serge Brammertz, a déclaré qu’elle « est un rappel que ceux qui sont responsables de génocide peuvent être amenés à rendre des comptes, même 26 ans après leurs crimes ».
Peu sociable, Félicien Kabuga vivait en France sous une fausse identité et cultivait l’art de la discrétion. La gendarmerie française indique que ce sont les empreintes laissées par les parcours de ses enfants qui ont trahit et sonné le glas de la retraite de l’intéressé.
Son transfèrement à La Haye ou Arusha pourrait rouvrir les plaies encore vives et dévoiler des secrets bien gardés du génocide rwandais, dont certains des protagonistes sont encore en vie, et en liberté.
Teria News