Malgré l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) demandant à l’État ivoirien de surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt émis contre lui, Guillaume Soro, exilé en France, est jugé par contumace au Tribunal correctionnel d’Abidjan pour détournement de deniers publics, recel et blanchiment de capitaux.
Ici, l’objet du crime serait la résidence achetée par Guillaume Soro en 2007, lorsqu’il était Premier ministre. Richard Adou, procureur de la République près le tribunal d’Abidjan, affirme que la propriété a été acquise avec des fonds publics, sans n’avoir jamais été reversée au patrimoine de l’État. Par ailleurs, Guillaume Soro, également accusé par la justice de son pays de tentative d’atteinte à l’autorité de l’État, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international depuis le 23 décembre. Ces accusations sont passibles de 20 ans de prison à l’emprisonnement à vie.
Or, dans une décision rendue publique dans la soirée du mercredi 22 avril, la CADHP a ordonné à l’État de Côte d’Ivoire de surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Soro, et de remettre en liberté provisoire ses 19 proches et partisans placés en détention préventive. Ceux-ci (cinq députés et membres de son parti, dont d’anciens ministres, ainsi que deux de ses frères) sont accusés de complicité. La CADHP a donné 30 jours à la Côte d’Ivoire pour exécuter sa décision. De plus, dans son arrêt, la Cour estime « nécessaire […] d’observer le statu quo ante jusqu’à sa décision sur le fond ». Toutefois, les avocats de l’État ivoirien maintiennent que la décision de la CADHP n’est que provisoire, et n’empêche pas la tenue de l’audience.
Ainsi, la défense de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale boycotte l’audience et considère que l’ensemble des procédures engagées contre ce dernier devraient être gelées jusqu’à cette prochaine décision de la CADHP, attendue en juin. Elle juge les poursuites lancées contre son client comme une « mascarade judiciaire » destinée à l’écarter de la course à la succession d’Alassane Ouattara, et dénoncent « une tentative d’exécution politique ». « L’unique objectif de cette audience précipitée vise à rendre inéligible Mr Soro, dans le cadre d’un jugement prévu être rendu en catimini, en violation de toutes règles de droit et de procédure, sans qu’il ne soit tenu compte des exigences sanitaires », a déclaré le collectif d’avocats de Guillaume Soro. Dimanche, le groupe a à nouveau demandé aux autorités ivoiriennes de se soumettre à la décision de la CADHP et de suspendre le procès.
Dans ce bras de fer politico-judiciaire, les avocats de Guillaume Soro se réservent « le droit de saisir, et autant de fois que nécessaire, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, selon la procédure d’urgence, pour faire censurer toutes les décisions inconventionnelles qui résulteraient de cette audience », et ont dans un communiqué, menacé d’engager des procédures internationales « aux fins de voir infliger des sanctions ciblées » contre les magistrats « qui auront diligenté, organisé ou collaboré à la tenue de cette audience » du 28 avril.
Teria News