Selon une ordonnance du juge de l’application des peines, « le détenu Hissène Habré apparaît particulièrement vulnérable » au nouveau coronavirus. À 77 ans, l’ancien dirigeant tchadien a rejoint sa résidence de Ouakam, située au nord de Dakar pour 60 jours.
L’administration pénitentiaire précise qu’il ne s’agit pas d’une libération, mais d’une « sortie de prison sous escorte ». La justice sénégalaise a ainsi satisfait à une requête du prévenu, dont les avocats dans une lettre envoyée à la fin mars ont évoqué des « risques » de contamination. Après 2 mois hors de prison, il est prévu qu’Hissène Habré réintègre le quartier spécialement aménagé pour lui dans la prison du cap Manuel. Cette sortie de prison entre dans le cadre de la décision des autorités sénégalaises de désengorger les prisons pour lutter contre la propagation du Covid-19, et concerne plus de 2600 détenus.
Le collectif des victimes du régime d’Hissène Habré maintient la veille. En effet le groupe insiste: loin d’une grâce, il s’agit d’une résidence surveillée et Hissène Habré devra retourner en prison. « Hissène Habré par rapport à tous ces crimes odieux et massifs qu’il a commis, je dis que même si tous les autres doivent être libérés, lui doit continuer à purger sa peine », avait déclaré Clément Abaifouta, président de l’association, qui a rappelé qu' »Hissène Habré n’a pas rempli la décision de justice qui lui demande d’indemniser les victimes ». En réaction à la démarche des avocats de l’ancien président, le groupe avait estimé que le détenu était « suffisamment protégé du virus », « seul dans une cellule », « avec de bonnes conditions d’hygiène », et un « accès au système de santé ». Les poursuites contre l’ancien chef d’État, tombé en 1990, après 8 années de règne sont le résultat de la persévérance de ce collectif et d’une conjoncture politique favorable.
À sa chute, Hissène Habré fuit le Tchad pour le Sénégal. 10 ans plus tard, un collectif composé de sept victimes de la répression menée par son régime, dépose une plainte contre lui devant le tribunal de Dakar. Hissène Habré se voit alors inculpé par la justice sénégalaise, mais les poursuites sont annulées par une juridiction d’appel pour défaut de compétence. Le cours des choses s’inverse en 2012 à la faveur de deux évènements principaux. Premièrement, en interne avec l’accession au pouvoir en mars 2012 du président Macky Sall, favorable à l’ouverture de poursuites contre Hissène Habré au Sénégal. À l’international deuxièmement, avec la décision de la Cour internationale de justice rendue le 20 juillet 2012, imposant au Sénégal de poursuivre l’ancien dirigeant sans délai. Le 8 février 2013, suite à un accord entre l’Union africaine et le Sénégal, sont installées les Chambres africaines extraordinaires pour juger les crimes internationaux commis au Tchad entre le 7 juin 1982 et le 1ᵉʳ décembre 1990. Le 2 juillet de la même année, une instruction est ouverte à l’encontre d’Hissène Habré et cinq de ses anciens proches pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture. En 2017, le premier est condamné en appel à la prison à perpétuité.
Une libération anticipée de l’ancien dirigeant avait été évoquée en novembre dernier. Son épouse avait donné de la voix dans la presse concernant l’état de santé de son mari, aggravé selon ses propos, par une chute « dans la douche » de sa cellule. Les proches d’Hissène Habré s’étaient également exprimés pour dénoncer un « refus de soin » et la « maltraitance » dont auraient été victime l’ancien président.
Teria News