AfriqueEconomie

Face au Covid-19, les États africains ne disposent pas de l’élasticité budgétaire des pays développés pour organiser la riposte à la pandémie. Toutefois, dans un environnement international anarchique et compétitif, attendre la seule aide internationale semble un pari risqué et naïf. L’Afrique a devant elle des solutions alternatives comme la mobilisation de sa diaspora

2000 milliards de dollars aux États-Unis, 750 milliards d’euros en Italie, 1 milliard de yuans (soit plus de 140 milliards de dollars) en Chine; les pays développés décaissent des sommes faramineuses pour parer à la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19. Pour injecter des liquidités dans leurs économies nationales, ces États actionnent aussi un levier macro économique particulier: la planche à billets.

Alors que nombre de personnes observent l’Afrique en se questionnant sur l’impact d’une vague de malades sur ses systèmes de santé et sur ses économies nationales à majorité informelles, les pays utilisateurs du franc FCA ne disposent pas de cette arme souveraine. En effet, leur planche à billets se situe en France et est contrôlée par le trésor français. Au regard des prouesses économiques que la riposte au Covid-19 requiert des États, la nécessité stratégique de la maîtrise de la monnaie, encore révélée en ces temps périlleux, place les enjeux de souveraineté économique et monétaire au centre du débat. Pour les pays de la zone franc, avoir le contrôle de ses ressource et jouir d’une pleine souveraineté économique et monétaire apparaissent ni plus ni moins comme une question de survie.

La capacité à faire face au défi que pose la pandémie de coronavirus sur les fronts sanitaires et économiques, repose en grande partie sur les ressorts financiers et prospectifs de la puissance publique. La question du dépistage des personnes infectées en est une illustration. « Nous avons un message simple à tous les pays : testez, testez, testez tous les cas suspects de Covid-19 », demandait le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus le 16 mars. Les pays qui s’en sortent le mieux, dont la Corée du Sud, Taïwan et l’Allemagne, ont appliqué les recommandations de l’OMS et mis en place une stratégie de dépistage et d’isolement systématique des personnes infectées. Ainsi, la base de la riposte est le dépistage. La France, dont le système de santé est vanté à travers le monde, par manque de tests, n’effectue pas de dépistage systématique et le réserve aux cas les plus graves. Les pays africains, aux systèmes largement moins dotés, se trouvent à plus forte raison désarmés, ce qui justifie les faibles chiffres transmis à l’OMS. Par ailleurs, alors que la moitié de la population mondiale (plus de 3 milliards de personnes) est confinée, les États qui le peuvent, laissent filer leurs déficits publics pour pouvoir adopter des mesures sociales d’accompagnement. Encore une performance que ne peuvent réaliser les pays du Sud.

Les économistes de la Conférence pour le commerce et le développement de l’ONU (CNUCED) estiment à 2 500 milliards de dollars l’aide internationale à mobiliser pour ces États, 3 000 milliards de dollars selon le secrétaire général de l’ONU, soit 10% du PIB mondial. Ce, sous peine de voir « des millions de personnes infectées et des millions de morts », et, en vertu du principe de l’effet papillon, de voir le virus revenir sous forme de boomerang dans les pays du G20 en voie de l’enrayer. Pour le Sud, attendre cette aide reviendrait à céder à une vision irénique et par conséquent naïve d’un monde traversé par de nombreuses rivalités et luttes d’intérêts, comme en témoigne le vol de masques à l’Italie par la République Tchèque le 20 mars dernier.

Dans ce contexte international anarchique où les États sont poussés dans leurs derniers retranchements, les pays africains, à l’image du Nigéria sont mis devant le besoin de penser des solutions alternatives. Abuja bénéficie de la solidarité nationale de ses milliardaires. Selon le ministère nigérian des finances, environ 30 milliards de naira ont été versés par une dizaine de milliardaires nigérians à leur gouvernement pour l’aider à lutter contre la pandémie de coronavirus. Les fonds ont permis de réquisitionner un stade de football à Lagos, capitale économique et ville la plus peuplée du pays, afin d’y construire un hôpital de quarantaine et de l’équiper d’appareils respiratoires.

Si tous les pays africains ne comptent pas autant de grandes fortunes que le Nigéria, tous ont une diaspora. Selon la Banque mondiale, ses transferts de fond ont atteint 48 milliards de dollars en 2018. Cette seule source représente 12% du PIB des Comores et 15% de celui de la Gambie. Conscients de la manne financière que ces flux symbolisent, plusieurs pays dont le Nigéria, le Rwanda, plus récemment le Sénégal en 2019, et le Ghana ont mis en circulation des « diaspora bonds » soit des bons du trésor destinés à la diaspora, appelée à acheter de la dette nationale pour financer les politiques publiques de leurs pays d’origine. Accra, où les transferts d’argent de la diaspora représentent 5% du PIB, a également lancé en janvier de cette année un fonds du nom de « Sankofa », signifiant « retourner vers le passé pour mieux rebondir vers l’avenir », afin de diriger ces liquidités vers des projets de développement. Bien qu’en baisse en raison de la réduction de l’activité économique mondiale, les transferts d’argent de la diaspora demeurent un axe non négligeable de d’apports.

Rappelons que l’aide internationale, sous couvert de la rhétorique de l’assistance altruiste, et par des mécanismes tels que celui de sa conditionnalité à l’octroi exclusif de marchés publics aux pays donateurs, a montré être une stratégie sophistiquée et ingénieuse d’investissement du Nord vers le Sud, dont chaque centime ou presque est reversé dans le PIB des caisses délestées.

Alors que les équilibres mondiaux sont bouleversés, l’Afrique peut imaginer des solutions alternatives de financement de sa riposte au Covid-19.

Teria News

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page