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Report « sine die » de la visite de chefs d’État de la Cedeao en Guinée mardi 17 mars. Le coronavirus, un prétexte qui permet aux deux parties de maintenir leurs postures?

Mardi, le président guinéen Alpha Condé devait recevoir Mahamadou Issoufou, président nigérien et président en exercice de la Cedeao, Muhammadu Buhari, président nigérian dont il est réputé proche, et Alassane Ouattara, président ivoirien.

La rencontre devait intervenir en amont du double scrutin législatif et référendaire du dimanche 22 mars prochain. La visite a été reportée « sine die », in extremis. Officiellement, en raison de la pandémie de coronavirus, alors que certains émissaires, notamment ceux du président ivoirien, se trouvaient déjà dans la capitale guinéenne, tout comme le président de la commission de la Cedeao, Jean-Claude Brou.

Les raisons avancées pour avorter la rencontre paraissent minces, et le caractère particulièrement abrupte la décision soulève des questions.

Premièrement des questions de cohérence. La Côte d’Ivoire qui a pris des mesures drastiques dès le lundi 16 mars de lutte contre le virus, dont des restrictions de voyage, aurait pu dès lors annoncer l’absence du chef d’État ivoirien. Le mardi 17 mars au soir, le Niger a en Conseil des ministres extraordinaire, décidé de la fermeture des aéroports internationaux de Niamey et de Zinder, et de la fermeture de ses frontières terrestres pour une durée de 2 semaines renouvelable, à compter du 19 mars 2020 à minuit. Par souci de cohérence avec des décisions qui devaient être annoncées quelques heures après la rencontre avec son homologue guinéen, un report de la visite du président Mahamadou Issoufou aurait également pu être rendu public plus tôt. Notons par ailleurs, qu’un seul cas de coronavirus avait été confirmé en Guinée.

Deuxièmement, la pandémie de coronavirus a-t-elle servi de prétexte pour couvrir un désaccord entre Conakry et les chefs d’État de la Cedeao? De la part du président Alpha Condé permet-elle de mettre à distance une énième tentative de pression sur sa personne? Et concernant la délégation de la Cedeao, était-ce une façon d’éviter de désavouer publiquement un président guinéen manifestement décidé à jouer son va-tout?

Le scénario du mardi 17 mars a des airs de déjà vu. Il rappelle les heures ayant précédé le report du double scrutin, prévu se tenir le 1er mars, le 28 février par le président Condé. Les responsables guinéens avaient alors refusé la venue d’une délégation de l’organisation régionale.

Du côté de Conakry, on assure avoir pris en compte les observations de la communauté internationale. Les 2.5 millions d’électeurs fictifs, dont des doublons, mineurs ou personnes décédées, seront retirés du fichier électoral, sans opération de recensement.

Dans le cas où le double scrutin a lieu dimanche prochain, Alpha Condé pourra-t-il se représenter lors des présidentielles de la fin de cette année? Si une nouvelle Constitution est adoptée, sera-t-il en mesure d’en bénéficier?

Le président guinéen joue le culot et avance contre vents et marées. En évoquant Alassane Ouattara, il a estimé lors d’un entretien accordé à un quotidien français : « Mais lui-même a fait une nouvelle Constitution ! Alors pourquoi me pose-t-on la question à moi? », « Je n’ai de leçon de démocratie à recevoir de personne. Et je ne vois pas ce qu’il y a de plus démocratique qu’un référendum », a-t-il ajouté.

Le maintien du double scrutin, alors qu’il se voit acculé par une vive contestation interne et des pressions internationales est une gageure de la part d’Alpha Condé, dont une des clés sera le taux de participation.

Teria News

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