L’opposition togolaise continue d’appeler à « défendre la vérité des urnes ». Les accusations de fraude sont lancées en tir groupé par l’opposition à Faure Gnassingbé, mais les plus bruyantes émanent d’Agbéyomé Kodjo. Le domicile de l’ancien premier ministre de Gnassingbé Eyadema, passé dans l’opposition, tout comme celui de l’ancien archevêque de Lomé, un de ses soutiens de campagne, a été encerclé par les forces de sécurité quelques heures après la fermeture des bureaux de vote samedi.
Selon les autorités, une telle mesure a été adoptée pour « garantir sa sécurité ». D’après les résultats préliminaires de la Commission électorale indépendante (Céni), Agbéyomé Kodjo, qui annonçait une large victoire sur le président sortant, est arrivé en deuxième position avec 18.37% des voix, contre 72,36% pour Faure Gnassingbé. Le leader de l’ANC, Jean-Pierre Fabre, lui, arrive troisième avec 4,35% des suffrages. Faure Gnassingbé, toujours selon la Céni, a gagné 14 points de plus que lors du scrutin présidentiel 2015. La participation a également connu une embellie, passant à 76.63%, contre 61% en 2015. Dans le nord on parle d’un plébiscite avec jusqu’à 97% de participation et 93% des voix pour Faure Gnassingbé. Les chiffres ont été transmis à la Cour constitutionnelle, qui est dans son délai de six jours pour statuer, et annoncer les résultats définitifs.
Ces élections ont donné lieu à une exception. C’est en effet la première fois que la Céni proclame aussi vite les résultats d’un scrutin présidentiel. Pourquoi une telle rapidité? En principe, la compilation des votes ne devait pas permettre à la Ceni de donner les résultats avant lundi soir. Mais dimanche après-midi, le président de la Commission Tchambakou Ayassor a déclaré: « Nous sommes en train de tout mettre en œuvre pour publier les résultats au plus tôt ». Joignant le geste à la parole, la Ceni a publié les résultats dans la nuit de dimanche.
2 faits majeurs soulèvent des questions. D’une part, la rapidité de la proclamation des résultats, d’autre part, la victoire de Faure Gnassingbé au premier tour.
La célérité exceptionnelle de la Céni était-elle une façon de faire taire les revendications de l’opposition? De ne pas lui offrir d’espace? Dans le cas contraire, le pouvoir aurait créé un vacuum et une insécurité politique, lesquels auraient donné le temps à ses adversaires de se mobiliser. La nature ayant horreur du vide, l’absence de réaction aurait été préjudiciable à Faure Gnassingbé. Face au danger, il était impératif d’occuper l’espace avec une autre vérité. Parce c’est ce dont il s’agit ici, un combat de vérités. Une contestation doit être tuée dans l’œuf, sinon, elle risque de devenir plus difficile à contenir, le temps lui donnant de l’ampleur, surtout en l’espèce, dans le contexte polémique de la candidature de Faure Gnassingbé à un 4e mandat.
Par ailleurs, sans K.O, les togolais les plus lasses auraient pu retrouver de la vigueur, et les 2 semaines entre la publication des résultats du 1er tour et le second tour, auraient constitué une brèche plus large, rappelant des frustrations éteintes par l’usure au combat, et l’inintelligence politique de l’opposition, dont la voix s’est noyée dans l’éclatement de la C14 et le boycott des législatives de décembre 2018.
Entre autres irrégularités dénoncées par la société civile: la composition du fichier électoral, notamment concernant les modalités de recensement des togolais de la diaspora, l’inversion de résultats, des bourrages d’urnes, ou encore des coupures d’internet sporadiques. Samedi, l’ANC a déclaré sur Twitter à propos de ses responsables politiques, qu’ils ont été « victimes de coupure de leur téléphone », ce qui a entravé « les communications avec les délégués dans les bureaux de vote ». L’Union africaine et la CEDEAO ont quant à elles salué la bonne tenue du scrutin.
Ces résultats préliminaires accélérés coupent l’herbe sous le pied des opposants à Faure Gnassingbé, et évitent une véritable crise post-électorale. Est-ce à dire que Faure Gnassingbé ne pouvait se faire réélire sans fraude? Non, mais tous ces éléments justifient un doute raisonnable concernant la vérité de la Céni.
D’aucun, à l’image de feu Pascal Lissouba, rappelleraient qu’après tout « en Afrique, on n’organise pas des élections pour les perdre ».
Teria News