Moudou Fall est mort. Le décès de son époux rouvre dans le cœur brisé de Ramatoulaye, les fissures creusées par sa trahison après 25 ans d’union, avec l’amie de sa fille ainée.
En quête de consolation, Ramatoulaye se tourne vers son amie Aïssatou. Elle répand son âme dans une longue lettre à celle qui a partagé son sort, celui de femmes transvasées brutalement, sans le moindre égard, du jour au lendemain, dans un mariage polygame. Ramatoulaye comme Aïssatou furent mises devant le fait accompli et face à un dilemme: rester ou partir.
« Une si Longue Lettre » à l’intrigue confinée aux clôtures des foyers de la classe moyenne supérieure sénégalaise, sans être étouffant, est un cœur à cœur dont le récit singulier est à lire au féminin pluriel. La Lettre de Ramatoulaye à son amie Aïssatou est une lettre ouverte. Le roman lève un coin de voile sur la condition matrimoniale des femmes dans le Sénégal du milieu du XXe siècle. Mais sa force est sa portée. Plurielle et actuelle.
Les hommes et les couples n’y sont pas les seuls protagonistes, « Une si Longue Lettre » est aussi une exaltation de l’Amitié. Comparée à l’Amour, elle apparait moins frivole, moins capricieuse. Plus solide et durable, elle se fortifie sur les cendre de l’Amour. Mariama Bâ écrit: « L’amitié a des grandeurs inconnues de l’amour. Elle se fortifie dans les difficultés, alors que les contraintes massacrent l’amour. Elle résiste au temps qui lasse et désunit les couples. Elle a des élévations inconnues de l’amour. » Ainsi, peut-être que les plus grandes histoires d’Amour sont des amitiés.
L’auteure explore une piste déjà ouverte par les sages, celle de bâtir son couple sur une amitié, et non sur une « simple » complicité amoureuse. Un lien, un attachement qui vient au secours de l’Amour lorsque ce dernier est soumis aux assauts de la routine, des pressions financières, familiales, professionnelles, sociales, et aux fluctuations du sentiment amoureux, comme du désir.
Mariama Bâ n’ensevelit pas ses femmes dans le malheur. Bien au contraire, elle démontre la résilience du Cœur humain qui malgré les coups encaissés, comme un tournesol maintes fois brûlé par les ardeurs du soleil ne vit que par et pour ses rayons, s’offre encore à la vie, quitte à être une nouvelle fois percé par ses dards.
« Une si Longue Lettre » est un classique du patrimoine littéraire africain. Premier roman de l’écrivaine sénégalaise Mariama Bâ, il est publié en 1979. Portée aux nues par son ouvrage, Mariama Bâ obtient le Prix Noma lors de la Foire du Livre de Francfort en 1980.
Bientôt sur Teria Web Media, un entretien avec Alexandrine Saïzonou, avocate et grande lectrice, sur l’écho passé et présent d' »Une si Longue Lettre » de Mariama Bâ.
Wuldath MAMA