Jamais un sans deux, ni deux sans trois. L’Union africaine tente une médiation là où le tandem Russie / Turquie a échoué à Moscou le 13 janvier et l’ONU à Berlin le 19.
À quelques jours de la 33ème session de la conférence des chefs d’Etat et gouvernement de l’Union africaine à Addis-Abeba en Ethiopie, le président congolais Denis Sassou-Nguesso accueille ce jeudi le huitième sommet du Comité de haut niveau de l’Union africaine. Y participent les chefs d’Etat et de gouvernement du Comité de Haut niveau, les représentants des pays africains membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, ceux des pays du conseil de paix et sécurité de l’UA, les représentants des États Sahélo-sahariens, et des pays européens comme l’Italie. Des deux principaux belligérants Fayez el-Sarraj et Khalifa Haftar, seul le premier a fait le déplacement.
Le premier objectif du sommet est de trouver une solution politique à la présente crise, provoquée par un réengagement en Libye de la Turquie, dont le Parlement a voté le 2 janvier un déploiement militaire. Ce, alors que les combats ont repris ci et là aux abords de Tripoli, faisant peser un plus grand péril sur une trêve arrachée à grandes peines à Moscou par la Turquie et la Russie, qu’il devient chaque jour plus urgent de consolider en un cessez-le-feu formel.
Le second, convaincre les protagonistes du conflit d’accepter prendre part à un forum de réconciliation appelé à se tenir à Addis Abeba au cours des six prochains mois.
Mais l’objectif principal de la rencontre de Brazzaville pour l’UA est de donner de la voix dans le concert des grandes puissances, faire valoir les solutions africaines sur la question libyenne. Les griefs de l’UA contre la communauté internationale et en particulier contre l’ONU s’accumulent. L’UA se sent continuellement marginalisée, snobée par l’ONU sur le dossier libyen, le dernier affront ayant été essuyé lors de la conférence de Berlin. Hormis l’Egypte et l’Algérie, aucun pays limitrophe de la Libye n’a été convié en Allemagne. Erreur qui soulève des relents de la conférence de Berlin de 1984-1985 pour qui a de la mémoire. Une fois encore, ici sur les lieux du crime du partage de l’Afrique par les puissances coloniales comme un gâteau, le continent a été insulté, les organisateurs ayant estimé que les problèmes de l’Afrique pouvaient être réglés sans les africains. Ainsi la présente rencontre, dans l’esprit de celle d’Alger il y a une semaine, vise à inclure les principaux concernés dans les tractations, et corriger une absurdité rappelée par le ministre des Affaires étrangères congolais Jean-Claude Gakosso: « les pays voisins, le Niger, le Tchad ou le Soudan qui ont le plus souffert de la crise » ont été systématiquement écartés. Et le diplomate d’ajouter que le conflit libyen est une des causes directes de la déstabilisation actuelle du Sahel.
Toutefois certains jettent au visage de l’UA un péché… Celui de s’être faite timide dans la condamnation de l’intervention de l’ONU, principalement conduite par l’OTAN entre mars et octobre 2011. L’UA a-t-elle abandonné la Jamahiriya arabe libyenne? Membre fondateur de l’organisation, portée par la vision, le charisme et l’or de Mouammar Khaddafi, mais esseulée devant la soif de vengeance d’un Nicolas Sarkozy dont l’humiliation a été parachevée par la tente de bédouin du Guide libyen plantée dans l’Hôtel Marigny à Paris, lors de sa visite en décembre 2007, et devant l’avidité suscitée par ses précieuses réserves de gaz et de pétrole.
La Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) dénonce des violations persistantes de l’embargo sur les armes, malgré les déclarations de bonnes intentions faites lors de la conférence internationale de Berlin. L’ONU persiste, les livraisons d’arme de poursuivent en provenance d’États invités en Allemagne, dans une logique macabre de pompier / pyromane.
Les acteurs les plus influents en Libye sont les principaux bailleurs de fonds du Gouvernement d’Union nationale de Fayez el-Sarraj et de l’autoproclamée Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar. Groupe dont l’UA, à l’exception de l’Egypte est exclu. L’organisation est dans son rôle et son droit, mais reste limitée dans sa marge de manœuvre. Il lui est toutefois loisible de tenter un coup politique, un acte d’existence, d’affirmation.
Teria News