De l’argent qui s’appelle « reviens! », aussi vite entrés, les capitaux risquent de fuir par la même porte, au grand dam d’une jeunesse frappée de plein fouet par le chômage.
Vendredi 31 janvier à 23h00 heure de Londres, le Brexit sera entériné. Ayant œuvré tout l’été au Parlement britannique et à Bruxelles depuis sa désignation comme premier ministre par le parti Conservateur le 24 juillet 2019 à défaire le nœud gordien du Brexit, la fourmi Boris Johnson déploie toute son énergie pour ne pas se retrouver démunie lorsque Big Ben sonnera les 11 coups définitifs vendredi. La fin d’un mariage houleux de 47 ans avec l’Union Européenne s’anticipe. Auto-dépouillé de son partenariat commercial privilégié avec l’Union, la 6e économie mondiale pour retomber sur ses pieds après le saut du Brexit, se doit de trouver de nouveaux débouchés. Avec la visite du secrétaire d’État américain Mike Pompeo ce mardi, les tractations autour « fantastique » accord commercial entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis promis par le président américain Donald Trump le 15 aout 2019 se sont accélérées, mais Londres est loin de ne compter que sur Washington et le tumultueux occupant de la Maison blanche.
La puissance britannique a inauguré lundi 20 janvier 2020 le premier sommet Royaume-Uni-Afrique. Ce nouveau rendez-vous d’affaire, préparé par la tournée de Theresa May sur le continent en août 2018 s’inscrit dans la lignée du sommet Russie-Afrique d’octobre 2019, et de l’initiative allemande « G20 compact with Africa ». Rappelons que la chancelière allemande Angela Merkel avait également entrepris une descente en Afrique, à quelques heures d’intervalle de son ancienne homologue…
Le sommet fut un succès. 21 pays africains ont été représentés, 16 chefs d’État dont le nigérian Muhammadu Buhari, le rwandais Paul Kagame ou encore le congolais Felix Tshisekedi ont fait le déplacement, 27 accords d’un total de 8.4 milliards de dollars ont été conclus entre les participants. Signe de la bonne volonté de Londres, Boris Johson a promis « mettre les gens devant les passeports », s’éloignant ainsi de la rhétorique anti immigration qu’il a participé à répandre lors de la campagne du Brexit en 2016, et qui s’est avérée décisive dans le choix des électeurs britanniques.
Le potentiel de croissance de l’Afrique, dont le PIB, selon les prévisions de la Banque mondiale (BM) devrait atteindre 4.1% en 2020, attise les appétits des investisseurs étrangers. Ce réengagement sur le continent se traduit aussi par un gonflement du budget de l’institution de développement britannique Commonwealth Development Group (CDG), laquelle avance vouloir investir 2 milliards de livres en Afrique au cours des deux prochaines années.
La logique veut que les fonds débloqués servent à financer des projets de développement dont les contrats auront été remportés par des entreprises britanniques. Il est en effet de bon ton en coopération internationale que les deniers prêtés par un pays bénéficient aux entreprises battant le même pavillon, et les emplois créés à ses ressortissants, stimulant ainsi sa croissance et lissant ses chiffres de chômage, alors que peu de place est faite aux travailleurs locaux, pourtant débiteurs, et une fois la dette remboursée principaux payeurs…
Ainsi cette nouvelle phase de ruée de l’occident vers l’Afrique, illustrée ici par l’exemple britannique doit pousser à mûrir une réflexion sur un paradoxe: l’arrivée massive de capitaux d’une part, et le cocktail explosif chômage / sous emploi des jeunes d’autre part, quand 60% de la population africaine a moins de 25 ans, fuit le continent parfois dans les pires conditions, parfois aussi pour échouer sans vie sur une plage de méditerranée. Le nombre d’acteurs qui se bousculent au portail de l’Afrique offre à ses dirigeants un levier puissant. En faisant jouer la concurrence, les contrats de développement peuvent et doivent être renégociés de façon stratégique, afin que les populations locales, en dehors du produit fini, en perçoivent les dividendes. Lors de l’élaboration d’un projet, pourquoi ne pas accepter strictement que ce qui fait défaut et valoriser ce que l’on a? Autrement dit, pourquoi ne pas se limiter à importer l’expertise et, proportionnellement à la main d’œuvre locale qualifiée pour un poste donné, imposer un quota maximum de travailleurs locaux? Mais surtout, cesser de demander une expertise que nous avons déjà, comme l’y a exhorté le président rwandais.
Enfin, l’une des solutions offertes par les pays africains au chômage est l’auto-entrepreneuriat. S’il s’agit là incontestablement d’une piste à explorer, ce remède ne peut constituer une panacée. L’auto-entrepreneuriat semble offrir à nombre de gouvernements une échappatoire, leur permettant de faire porter le chômage sur la seule responsabilité individuelle et de se laver les mains de leurs devoirs. Un expédient vanté par les institutions garantes de la doctrine néolibérale que sont FMI et BM, quand, lorsque les économies européennes étaient exsangues au sortir de la seconde guerre mondiale, et la finance occidentale à genoux après la crise de 1929, l’option choisie fut celle des investissements publics massifs pour créer des emplois et booster la croissance. L’Afrique ne pourrait-elle pas bénéficier de la même largesse? L’Afrique ne pourrait-elle pas bénéficier de ses propres largesse?
Wuldath MAMA