Poignée de main entre la Russie et le Soudan pour la construction d’une base navale

Accord final entre Moscou et Khartoum sur la construction d’une base navale russe à Port-Soudan. Initié sous Omar El-Béchir, le projet a été mis en sommeil après sa chute et le réalignement de la Transition soudanaise sur Washington. Il assure à Moscou un regard stratégique sur le détroit de Bab al-Mandab par lequel transite 12 % du trafic maritime mondial.

Les aléas du projet de base navale russe au Soudan reflète à lui seul les différents renversements d’alliance connus par le pays depuis la chute d’Omar El-Béchir en 2019. Après son lâchage par l’armée, dirigée par le général al-Burhane et le ralliement opportuniste de celle-ci aux civils ayant mené la contestation contre le dirigeant déchu au sein d’un gouvernement mixte de Transition, l’accord de principe signé en 2017 avec Moscou a été hypothéqué par l’influence occidentale, en particulier américaine sur le processus de transition soudanais.

Interdépendance entre équilibres politiques et géopolitiques

« Nous sommes tout à fait d’accord sur cette question et il n’y a pas d’obstacles (…) Nous sommes parvenus à une compréhension mutuelle (…) Nous sommes d’accord sur tout »

Ali Youssif, ministre soudanais des Affaires étrangères

Le coup d’État d’Abdel Fattah al-Burhane, soutenu en son temps par les Forces de soutien rapide (FSR) du général Dagalo dit Hemedti en 2021, signant une reprise en main de la Transition par l’armée ainsi que la mise à l’écart de la tutelle occidentale, a acté la renaissance du projet de base navale russe. La rupture entre les deux généraux en avril 2023 et le déclenchement du conflit ouvert entre l’armée régulière et les FSR a, à nouveau, mis en ballotage le projet, le soutien de Moscou étant divisé entre le général Hemedti alors appuyé par la milice Wagner et son rival al-Burhane. Depuis, le Kremlin a recentré son soutien sur les forces armées soudanaises et renforcé son alliance avec le général Abdel Fattah al-Burhane, consolidé un accord final sur la construction d’une base navale qui pourrait avoir pour contrepartie la livraison d’armes et par conséquent, faire basculer le conflit soudanais en faveur de l’armée.

Moscou consolide son influence en Afrique

Après la Centrafrique qui accueille la première base militaire russe du continent africain depuis la fin de la Guerre froide, la finalisation de l’accord encadrant la construction d’une base navale à Port-Soudan consolide l’influence de Moscou en Afrique. Pour la Russie, cette base navale représente un accès à la mer rouge, stratégique pour assurer à Moscou un œil sur le détroit de Bab al-Mandab.  Reliant le canal de Suez à l’océan Indien, il concentre 12 % du trafic maritime mondial, dont 75 % des exportations européennes.

La future base navale pourra accueillir jusqu’à 300 personnes et quatre navires de guerre, dont des bâtiments à propulsion nucléaire. Avec cette position, Moscou se hisse au niveau des États-Unis, de la Chine et de la France, positionnées elles, à Djibouti dans le même objectif.

La base russe de Port-Soudan permettra en outre à Moscou de compenser la perte de sa base navale syrienne de Tartous, abandonnée après la chute de Bachar el-Assad. La perte de son hub logistique pour les opérations de Africa Corps sur le continent est également contrebalancée par l’acquisition de la base aérienne abandonnée de Maaten al-Sarra dans le sud de la Libye, cédée à Moscou par le maréchal Haftar, chef de l’Est libyen.

Teria News  

Quitter la version mobile