La chasse aux migrants illégaux, commencée au lendemain de son investiture s’intensifie. En plus des expulsions vers les pays d’origine, Donald Trump souhaite envoyer les migrants sans-papiers, estimés « dangereux », à Guantanamo.
La surenchère de la seconde administration Trump à l’égard des migrants sans papiers aura-t-elle une limite ? Désormais labellisés par la Maison Blanche comme criminels (criminal illegal migrants), au lieu du qualificatif plus neutre de « sans-papiers » (undocumented), la course aux étrangers en situation illégale aux États-Unis revêt une nature différente. Ce glissement, intentionnellement impulsé par les nouvelles autorités, vise à légitimer la brutalité qui empreigne depuis le 21 janvier le processus d’expulsion de ces personnes. Ce, de leur arrestation, à présent permise dans les écoles et églises (alors que ces enceintes étaient jusqu’ici considérées comme des sanctuaires), à leur détention, jusqu’à leur déportation hors du territoire américain. La tentative d’agir dès la conception avec la restriction du droit du sol pour tout enfant né d’au moins un parent en situation illégale a d’ores et déjà été mise en échec par un juge fédéral qui a suspendu le décret présidentiel signé dans les premières heures qui ont suivi la prise de fonction de Donald Trump.
Envoyer certains sans-papiers à Guantanamo
« Je vais signer aujourd’hui un décret demandant aux ministères de la Défense et de la Sécurité intérieure de préparer un centre pour 30 000 migrants à Guantanamo Bay. »
Donald Trump, président des États-Unis
Mercredi soir, le président américain a signé un « mémo » demandant l’élargissement d’un centre pour migrants situé dans la base navale de Guantanamo, connue pour son pénitencier réservé aux détenus accusés de terrorisme et aux atteintes aux droits de l’Homme, dont la torture, dont s’est rendue coupable la CIA. Afin de donner force à ce « mémorandum », le président américain a, dans un deuxième temps, promulgué une loi (la première votée par le Congrès majoritairement Républicain depuis son investiture), permettant la détention automatique de personnes en situation irrégulière si elles ont précédemment été condamnées pour certains crimes et délits.
« Ce que vous ne savez probablement pas c’est qu’il y a déjà là-bas un centre de rétention de migrants, il existe depuis des décennies. Donc nous allons simplement développer ce centre », a précisé a précisé Tom Homan, conseiller spécial de Donald Trump sur l’immigration. Les futurs migrants détenus sur l’île ne le seront donc pas dans la prison grossie par l’intensification de la lutte antiterroriste par l’Amérique de Georges Bush Jr, mais dans un centre dédié, séparé du pénitencier. Toutefois, le symbole, en particulier de la part d’une administration qui le manie avec dextérité depuis le 20 janvier et dans ce contexte de brutalisation assumée de la politique de lutte contre l’immigration illégale, ne saurait effacer la tentative d’amalgame entre les deux catégories de détenus sur l’île.
L’espace concerné sur Guantanamo Bay, consiste en un ensemble de tentes et dispose actuellement d’une capacité d’accueil de 120 personnes (seulement quatre y étaient détenues en 2024), loin des 30 000 places évoquées par Donald Trump. Par ailleurs, les autorités cubaines continuent de revendiquer leur souveraineté sur l’île de Guantanamo, « illégalement occupée » selon elles par les États-Unis.
Le rôle crucial des contre-pouvoirs
Avec environ 11 millions de migrants illégaux (près de la moitié issue du Mexique), si la crise migratoire aux États-Unis est réelle, dépassant de loin la capacité d’accueil du pays et, causée en partie par l’activité d’organisations criminelles (passeurs), fait le lit de la traite des êtres humains, les méthodes de l’administration Trump contreviennent à de nombreux principes constitutionnels et moraux qu’il appartiendra aux juridictions compétentes de réaffirmer. Ceci, à l’image du décret présidentiel retoqué sur la restriction du droit du sol.
Alors qu’il entame son second mandat et qu’il ne peut, par conséquent, être ignorant des limites de ses pouvoirs exécutifs, pourquoi Donald Trump prend-il le risque de voir son action bridée par les autres pouvoirs judiciaire et possiblement même législatif (les Républicains ne disposent que d’une courte majorité de 3 à 4 élus à la Chambre des représentants) ? Vraisemblablement, il s’agit pour le président américain de frapper fort afin de marquer les esprits et dissuader toute tentative de traversée illégale de la frontière. De plus, opérer ainsi lui permet de contenter sa base électorale vis-à-vis de laquelle il pourra montrer patte blanche, même en cas de blocage de sa politique migratoire en s’essuyant les mains sur le « système », de toutes façons, vilipendé par ses soutiens. Politiquement, c’est une équation gagnant-gagnant pour la seconde administration Trump.
Teria News