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Le Togo, bientôt membre de l’AES ? Le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, ne l’exclut pas. « Ce n’est pas impossible », a-t-il estimé, précisant que si interrogés à ce propos, les populations togolaises « diront oui ». Mais, au carrefour de la CEDEAO et de l’AES, le Togo rappelle que, si instrumentalisé, le panafricanisme peut n’être qu’un écran de fumée.
Un peu plus d’un an après sa création, l’Alliance des États du Sahel, dont les membres se sont émancipés de la CEDEAO, exerce une force d’attraction sur les autres pays de la sous-région Ouest-africaine. Le Togo, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a ainsi exprimé l’intérêt de son pays pour l’AES au cours d’un entretien accordé jeudi à la chaîne panafricaniste Vox Africa.
« C’est la décision du président de la République », a répondu Robert Dussey à la question d’une éventuelle adhésion de Lomé à l’Alliance. « Ce n’est pas impossible », a-t-il estimé, avant d’évoquer un alignement avec les aspirations populaires des Togolais. « Demandez aux populations togolaises si le Togo veut entrer dans l’AES, vous allez voir leur réponse, je vous dirais qu’elles vous diront oui », a-t-il ajouté.
Le Togo, au carrefour de la CEDEAO et de l’AES
Dès l’avènement des régimes militaires sahéliens, partant de celui d’Assimi Goïta au Mali à l’égard duquel la CEDEAO avait voté de sévères sanctions économiques en janvier 2022, le président Togolais Faure Gnassingbé s’est positionné comme un médiateur, interlocuteur de choix, « sachant parler » à Bamako, évoquait alors le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop. Faure Gnassingbé a d’emblée réussi à gagner la confiance du Mali, ce qui a permis de dénouer la crise avec la CEDEAO à travers la validation consensuelle d’un calendrier de transition (rendu caduque par la prolongation de celle-ci par les autorités maliennes), mais également celle des 46 soldats Ivoiriens détenus par Bamako. La médiation de Lomé s’est encore avérée déterminante dans le dossier nigérien, mis au ban de la CEDEAO au lendemain du putsch du CNSP en juillet 2023. Si le palais a, seul, engrangé les dividendes politiques de ces succès diplomatiques, la capitale togolaise en, a pour sa part, recueilli les dividendes économiques, le port de Lomé devenant le port principal des importateurs nigériens, au détriment durable de celui de Cotonou.
Signe supplémentaire de la confiance liant le Togo aux pays de l’AES, Lomé a, en mai 2024, aux côtés de N’Djamena, été associé à des exercices militaires organisé par l’Alliance. Ces derniers, base d’une interopérabilité entre ces différentes armées, préfiguraient peut-être déjà d’un ralliement du Togo, mais aussi du Tchad, aujourd’hui libre des accords de Défense avec la France, à l’AES.
Le piège de l’écran de fumée « panafricaniste »
Galvaniseur des foules, en particulier de la jeunesse, le panafricanisme et son articulation d’une libération des peuples Noirs de tout joug impérialiste, est également utilisé par les acteurs politiques pour manipuler leurs populations. Le président Faure Gnassingbé en est un cas d’école avec d’un côté sa proximité affichée à l’échelle sous-régionale avec les dirigeants militaires sahéliens et de l’autre, la manipulation des institutions avec l’adoption illégitime (et illégale au regard du protocole additionnel sur la Démocratie de la CEDEAO proscrivant toute modification constitutionnelle 6 mois avant une élection) d’une nouvelle Constitution, cadre d’un tour de passe-passe qui, en le faisant renoncer à la fonction, devenue protocolaire, de président de la République, pourrait faire de lui un président ad vitam aeternam du Conseil des ministres. Etouffant ainsi les accusations de se maintenir au pourvoir, le président togolais pourra se prévaloir d’avoir « cédé le fauteuil présidentiel ».
Outre une optimisation de la lutte contre le terrorisme qui s’étend aux pays du golfe de Guinée, dont le Togo, une adhésion à l’AES aurait également l’avantage de couvrir le pouvoir de l’aura panafricaniste dont bénéficient les États sahéliens. Reste à savoir si une candidature envers l’AES est compatible avec l’appartenance à la CEDEAO. Il appartiendra à Abuja et Bamako (capitale de l’AES en vertu du statut de président en exercice d’Assimi Goïta) de déterminer si les deux sont mutuellement exclusives ou si elles peuvent se superposer.
Teria News