Indépendance de la Casamance : Sonko dénonce un « projet de déstabilisation » de la France 

« Je veux dire à la France, je ne sais pas ce qu’il y a derrière cette affaire […] Maintenant qu’il y a un nouveau régime qui impose sa souveraineté, on nous sort un livre ». Au Sénégal, la parution d’un ouvrage sur l’indépendance de la Casamance suscite d’ire d’Ousmane Sonko. Le Premier ministre sénégalais dénonce « un projet de déstabilisation » de Paris.

En pleine campagne électorale jusqu’ici centrée sur le bilan de l’ancien régime et la volonté du nouvel exécutif sénégalais de traduire en justice les responsables de détournements de fonds massifs, une thématique inattendue a fait irruption dans le débat public sénégalais. À la faveur de la parution d’un ouvrage académique de l’historienne Séverine Awenengo Dalberto, la question de l’indépendance de la Casamance et du soutien présumé de la France aux revendications irrédentistes des rebelles du Sud du Sénégal s’est retrouvée à l’agenda de la campagne en vue des législatives anticipées du 17 novembre.

Alors qu’il tenait un meeting dans son fief de Ziguinchor dont il était le maire jusqu’à son arrivée à la Primature, Ousmane Sonko s’est vivement attaqué au livre. Intitulé L’idée de la Casamance autonome. Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal, l’ouvrage sur penche sur la région du sud du pays, où un mouvement indépendantiste armé est en conflit avec le pouvoir central depuis 1982.

La colère du Premier ministre sénégalais

« Ce livre-là, personne n’en fera la promotion ici au Sénégal. Si cette Française veut écrire, elle n’a qu’à aller écrire sur la Corse qui demande son indépendance à la France. Elle n’a qu’à aller écrire sur la Nouvelle-Calédonie qui réclame son indépendance, mais elle n’a pas à écrire sur le Sénégal »

Ousmane Sonko, Premier ministre sénégalais

« Je veux dire à la France : je ne sais pas qu’est-ce qu’il y a derrière cette affaire. Parce que la France avait témoigné dans la fin des années 90 avec Jacques Charpy, en clarifiant la question de l’appartenance totale et intégrante de la Casamance au Sénégal. Maintenant qu’il y a un régime -comme je l’ai toujours dit- qui n’est pas anti-français, qui est pro-sénégalais simplement, un régime qui dit : nous voulons notre souveraineté, nous n’accepterons plus d’être des valets de qui que ce soit, on nous sort un livre », accuse Ousmane Sonko, avant de poursuivre : « Et puisqu’ils ne peuvent pas revenir sur leur témoignage, ils ne peuvent plus parler d’indépendance, ils glissent sur la notion d’autonomie. On ne veut pas d’autonomie, ce n’est pas ça la question. Nous sommes un Etat unitaire du nord au sud, de l’est à l’ouest, les mêmes réalités vont s’appliquer sur chaque portion du territoire national ».

« Si la France veut donner des archives, elle n’a qu’à nous donner les archives de ses exécutions sommaires au Sénégal pendant la colonisation, des guerres qu’elle a menées ici, des tortures qu’elle a menées, des travaux forcés. C’est ça qu’on attend de la France. Qu’elle nous donne les archives de Thiaroye 44, mais pas des archives sur une prétendue autonomie de la Casamance », a-t-il lancé en dénonçant « un projet de déstabilisation ».

La politisation opportuniste d’un ouvrage académique ?

Les détracteurs du Premier ministre sénégalais interrogent la temporalité de la sortie d’Ousmane Sonko. Si l’ouvrage de l’historienne Séverine Awenengo Dalberto faisait polémique bien avant la réaction du chef du Pastef, les propos de la tête de liste du prochain scrutin législatif pour le camp du pouvoir ont été diversement reçues par les Sénégalais. Alors que certains évoquent une colère légitime face à un sujet difficile, malgré la quasi neutralisation par Dakar du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), d’autres estiment l’ire d’Ousmane Sonko, calculée. Il s’agirait pour le Premier ministre de surfer sur la fibre souverainiste d’une partie du corps électoral, celle-là même qui a contribué à porter le Pastef au pouvoir en mars dernier.

Seulement, la thématique a d’abord été attisée dans le débat public par le parti de Macky Sall, l’APR, à la tête de la coalition d’opposition Takku-Wallu évoquant le « mutisme des nouvelles autorités ». L’APR faisait en réalité écho aux accusations de complaisance auparavant portées contre Ousmane Sonko, aux racines casamançaises.

Le mouvement indépendantiste de la région a été considérablement affaibli par le pouvoir central. Toutefois, ses ressources halieutiques et en bois précieux suscitent la convoitise de groupes criminels, associés aux factions indépendantistes encore en activité. La Casamance abrite également 1,2 million de mètres carrés de terrain miné. Un défi pour les autorités centrales.  

Teria News

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