Orano annonce suspendre ses activités sur le site d’Arlit à partir du 31 octobre. En cause : l’impossibilité d’exporter sa production dans le contexte de fermeture de la frontière entre le Niger et le Bénin. L’intransigeance du CNSP d’Abdourahamane Tiani envers Cotonou masquait-il le projet de venir à bout du fleuron industriel français ?
Le régime militaire de Niamey a mis en avant l’argument sécuritaire du double agenda supposé du Bénin pour maintenir sa frontière fermée. Cotonou a un temps été accusé d’abriter, dans la partie septentrionale de son territoire, des bases militaires servant de camps d’entrainement à des terroristes appelés à déstabiliser le CNSP. Puis, dans un deuxième temps, Niamey a évoqué la présence sur le sol béninois, avec la complicité des autorités locales, d’agents français préparant des activités subversives contre le Niger.
Depuis la prise de pouvoir, il y un an, du CNSP d’Abdourahamane Tiani, le régime ne cache pas son hostilité envers la France réduisant sa présence militaire et diplomatique sur le territoire nigérien à peau de chagrin, au point que Paris a été contraint de fermer son ambassade dans le pays en décembre 2023. Et si l’antagonisme entretenu contre le Bénin de Patrice Talon dissimulait le projet de faire plier Orano ?
Orano, victime collatérale ou cible de la fermeture des frontières ?
Plus qu’une multinationale, leader de la chaîne du combustible nucléaire, Orano (ex Areva), représente dans l’histoire entre le Niger et l’ancienne puissance coloniale, l’épine dorsale de leurs relations. Affaiblir les intérêts de ce fleuron industriel français c’est toucher l’Hexagone.
Bien que les craintes sécuritaires d’Abdourahamane Tiani et de ses hommes envers le Bénin ne se soient pas dissipées, elles semblent s’être estompées. Au point de ne plus constituer un frein aux relations commerciales entre le Niger et le Bénin où le cinquième chargement de pétrole nigérien, acheminé des champs d’Agadem vers le port de Sèmè s’est déroulé sans entraves cette semaine. À l’image des premières, les relations diplomatiques ce sont également normalisées entre les deux pays avec l’accréditation réciproque d’ambassadeurs par Niamey, puis Cotonou.
Mais voilà, la question de l’ouverture de la frontière côté nigérien reste posée. Avec le rétablissement progressif de la confiance entre les régimes nigérien et béninois, elle pourrait être résolue dans le temps court. Toutefois, pas assez rapidement pour Orano dont les exportations, via le corridor terrestre béninois sont de facto bloquées depuis un an.
Orano, déplore une situation « fortement dégradée »
Devant une situation « fortement dégradée », Orano se voit contraint de « suspendre » sa production à partir du 31 octobre, faute de pouvoir « continuer à travailler » au Niger. Le groupe évoque « L’aggravation des difficultés financières de la Somaïr ». Or, après la perte de son permis d’exploitation de la mine d’Imouraren fin juin, Arlit est la seule à ce jour exploitée par le groupe. Ceci, via la société Somaïr, fruit d’un partenariat entre Orano Mining (qui en détient 64%) et l’État nigérien.
Au-delà des tensions entre la France et le Niger, les difficultés d’Orano reflètent la volonté des autorités nigériennes de changer de paradigme dans l’exploitation des ressources minières du pays par les multinationales. Dénonçant des accords léonins, l’exemption d’impôts et le non-respect de certaines obligations, notamment environnementales, des groupes étrangers à l’égard de l’État nigérien, le CNSP souhaite réformer le secteur. Ainsi, en août dernier, le général Tiani a signé une ordonance modifiant et complétant la loi n° 2022-033 du 05 juillet 2022, portant loi minière. Cette dernière introduit une révision à la hausse des droits, taxes et redevances et étend leur application à d’autres actes de l’activité minière.
Teria News