Indésirable en Afrique de l’Ouest, et plus particulièrement au Sahel où elle a essuyé revers sur revers, la France se repositionne à l’Est du continent. Le Kenya a été choisi pour abriter le prochain sommet Afrique-France. Pro-occidental et libéral, le pays de William Ruto accueille également de plus en plus d’intérêts hexagonaux.
Depuis son éviction du Sahel, les visites des représentants français dans la région se sont faites rares. Cela ne signifie pas pour autant que la France a renoncé à la compétition mondiale à l’assaut d’influence en Afrique. Loin s’en faut. En témoigne la tournée africaine de l’ancien ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné qui, en avril dernier, posait les pieds au Kenya, dessinant ainsi les « nouvelles frontières » de la diplomatie française sur le continent. Moteur de la croissance Est-africaine, le Kenya est une destination de choix des investisseurs internationaux, tout particulièrement en matière de nouvelles technologies. Un point d’entrée pour Paris dans la sous-région, sans compter que son économie dynamique offre un cadre idéal pour ses groupes privés comme l’Oréal ou Carrefour.
Le Kenya de William Ruto, compatible avec les intérêts occidentaux
« C’est un pays raisonnable, qui n’attise pas les tensions », Quai d’Orsay.
Arrivé au pouvoir en 2022, William Ruto a renforcé ses relations avec les partenaires occidentaux du Kenya et aligné certaines positions diplomatiques sur le Nord. Ainsi, après avoir accepté, à la demande des États-Unis, de conduire une mission de police en Haïti, le président Kenyan a-t-il été reçu en visite d’État à Washington, le seul parmi ses homologues africains en mai dernier, et a-t-il vu son pays élevé au rang d’allié majeur non membre de l’OTAN.
En décembre 2023, le chef d’État kenyan a également présidé à la signature d’un accord commercial Kenya-Union européenne lequel, garantit aux produits kényans un accès libre de droits et sans quotas au marché européen en échange de réductions tarifaires pour les produits européens au Kenya. Il s’agissait surtout pour l’Europe d’éviter le décrochage complet face aux parts de marché galopantes des produits chinois. Sous William Ruto, Nairobi a par ailleurs signé, en septembre dernier, un accord migratoire avec l’Allemagne, Berlin souhaitant garantir à son économie un vivier de travailleurs qualifiés sans pour autant avoir à les accueillir de façon permanente… Sur l’Ukraine enfin, le président Ruto a affiché un positionnement contrasté par rapport à la majorité de ses homologues africains. Lors du vote d’une résolution appelant la Russie à mettre fin à son invasion et à retirer ses forces d’Ukraine en mars 2022, Nairobi fut une des rares voix africaines à préférer la condamnation à la neutralité.
Nairobi, centre d’un renouveau de la politique africaine de Paris ?
Selon un communiqué de l’Elysée, ce sommet Afrique-France 2026, qui se tiendra lors de la présidence française du G7, cherchera à « encourager un multilatéralisme inclusif ». Il portera également sur « les solutions à mettre en œuvre pour répondre aux défis liés au climat, à la préservation de l’environnement ainsi qu’à la réforme de l’architecture financière internationale ».
Emmanuel Macron y avait séjourné en 2019 et affiche une certaine proximité avec son homologue kenyan. Pour la première fois depuis 1973, le sommet Afrique-France, anciennement France-Afrique, ne se tiendra ni en France ni dans un pays d’Afrique francophone. Alors que le précédent sommet s’était tenu à Montpellier sans aucun chef d’État africain, au profit de représentants de la société civile, le prochain, prévu pour 2026 à Nairobi, devrait accueillir chefs d’Etat et de gouvernement du continent (tous y sont invités), société civile et représentants du secteur privé. Il s’agit pour Paris d’un retour à un classicisme dans la forme, mais d’un pivot stratégique de l’Ouest vers l’Est et des pays francophones vers les États anglophones du continent africain.
Teria News