Par milliers, les Nigérians réclament la fin de la mauvaise gouvernance

#EndBadGovernance. Sur les traces de la jeunesse kenyane qui a fait reculer William Ruto, des milliers de Nigérians sont sortis dans les rues du pays jeudi 1er août. Ils dénoncent la mauvaise gouvernance et la vie chère, majorée sous le régime de Bola Tinubu. C’était face à un important dispositif sécuritaire.

Enfantées dans le relatif enthousiasme de son élection à la tête du Nigéria en mai 2023, les réformes de Bola Ahmed Tinubu n’auront pas bénéficié de la traditionnelle période le grâce post scrutin qui permet aux gouvernants d’implémenter les segments les plus difficiles du programme politique qui les a porté au pouvoir. Au contraire, les compatriotes du successeur de Muhammadu Buhari se sont d’emblée montrés rétifs à la fièvre réformiste du nouvel exécutif. Annoncé, puis plusieurs fois avortés, de nombreux appels à la grève générale ont été lancés par les principales centrales syndicales du pays. Mais en dépit de la grogne sociale, basée sur les effets des réformes Tinubu sur le coût de la vie, le chef d’État nigérian maintient le cap, arguant que les turbulences engendrées par la dynamique impulsée dès sa prise de fonction, auront bientôt leur fin. En attendant, les Nigérians crient leur faim devant une thérapie de choc dont ils n’avaient pas anticipé les conséquences sur leur pouvoir d’achat et qualité de vie.

Une mobilisation sous contrôle policier

« Stop à la mauvaise gouvernance », « Assez, c’est assez », « Stop à la faim », « Les Nigérians sont prêts pour un nouveau Naija », pouvait-on lire sur les pancartes. La journée de jeudi devrait marquer l’entame d’un mouvement destiné à infléchir les autorités nigérianes. Les manifestant en effet, projettent d’organiser une série de marches prévues se dérouler du 1er au 10 août. Ils réclament le rétablissement des subventions du carburant et du régime de change alors que le cours du naira a cessé d’être fixé par la Banque centrale depuis le 14 juin 2023, entrainant d’importantes fluctuations et un décrochage historique de la monnaie nationale face au dollar. Ces mesures ont entrainé une inflation générale de 34%, alors que celle des denrées alimentaires dépasse les 40% et un triplement du prix de l’essence.

Jeudi, les principaux centres urbains du pays ont été pris d’assaut par les manifestants. Mais les mobilisations se sont déroulées parallèlement à un déploiement massif des forces de sécurité pour contenir les foules et dissuader d’éventuels débordements. Présence de chars militaires et de blindés aux abords de la résidence présidentielle et de l’Assemblée nationale, hélicoptères, barbelés : un important dispositif sécuritaire a été constaté à Abuja et Lagos, respectivement capitales administrative et économique du pays. À Abuja, la police a bloqué les routes menant au populaire parc Eagle Square, l’un des lieux de protestation prévus par les organisateurs. À Lagos, la présence policière a été renforcée au péage de Lekki, point où la répression du mouvement #EndSARS (du nom d’une brigade de police par la suite dissoute), contre la brutalité policière, avait fait de nombreux morts quatre années plus tôt. Des gaz lacrymogènes ont été libérés à Kano pour disperser la poignée de manifestants rassemblés.

Le spectre des manifestations kenyanes

« Le gouvernement du président Tinubu reconnaît le droit de manifester pacifiquement, mais la circonspection et la vigilance doivent être nos mots d’ordre […] Nous appelons les Nigérians à poursuivre sur la voie de la paix, du dialogue et de la collaboration. »

Secrétaire du gouvernement de la Fédération

Après le précédent kenyan, les autorités nigérianes craignent une réplique du mouvement social du leader de la Corne de l’Afrique. Fin juin, ce dernier contraint l’exécutif dirigé par le président Ruto à faire marche-arrière sur les réformes engagées, principalement la loi de finance qui actait l’alourdissement de la charge fiscale avec la création de nouvelles taxes et l’augmentation de taxes déjà existantes sur des produits de première nécessité. Déterminé à mener à bien ses réformes, dont un des piliers est la fin de la subvention des prix du carburant, Bola Tinubu veut éviter l’effet boule de neige des manifestations de la jeunesse kenyane ainsi que les pressions internationales devant l’impasse des autorités, couplée à la violence de la répression policière.

Des contre-manifestations ont également été organisées en soutien à la gouvernance de Bola Tinubu dont les équipes appellent les Nigérians à la patience, le temps que les réformes engagées par le régime aient les effets escomptés. À cet égard, après un sévère décrochage, les cours du naira sont remontés ces dernières semaines. En réponse à la grogne sociale, les autorités ont, le 19 juillet dernier, doublé de salaire minimum dans la fonction publique, désormais établi à 77.000 nairas et ont entrepris de livrer des céréales dans les États du pays.

Teria News

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