Nigeria : la raffinerie Dangote dans le viseur des compagnies pétrolières

La raffinerie Dangote menace les intérêts des multinationales dont les exportations vers l’Afrique de l’Ouest sont en chute depuis sa mise en service. En retour, les compagnies pétrolières internationales se livrent à des opérations de sabotage, accuse un responsable du groupe Dangote.

Un méga projet à la mesure du potentiel économique et démographique du continent. Construite dans l’État de Lekki, avec une capacité de 650 000 barils par jour (bpj) la raffinerie Dangote est de loin la plus large d’Afrique. À terme, le site vise la transformation de 100% du brut nigérian, pour l’heure exporté en l’état à l’étranger, pour un marché international qui réexporte vers le Nigeria les produits pétroliers raffinés. Un paradoxe que la raffinerie, inaugurée en grandes pompes en mai 2023, n’est pour le moment pas parvenue à résoudre. En effet, le site importe le brut qu’il raffine. À cet égard, le groupe accuse ses concurrents, majoritairement européens, de saboter ses efforts pour s’approvisionner sur le marché local.

Dangote grignote des parts de marché à ses concurrents

Loin d’avoir atteint une vitesse de croisière optimale, la raffinerie Dangote exporte tout de même, d’ores et déjà 100 000 bpj, selon des données publiées par l’agence Reuters pour le mois de mai 2024. Soit, le doublement de sa production d’avril de la même année. Si le groupe exporte principalement ses produits pétroliers vers l’Afrique de l’Ouest, une cargaison a été exportée vers l’Espagne.  

Autant dire que le nouveau venu sur le marché des exportateurs de pétrole perturbe le secteur en prenant des parts de marché, à l’échelle sous-régionale, aux acteurs traditionnels. Ainsi, toujours selon Reuters, les exportations de gasoil originaire de l’Union européenne et du Royaume-Uni vers l’Afrique ont accusé un recul significatif pour tomber à 29 000 bpj, leur seuil le plus critique en quatre ans. La même dynamique frappe les fournisseurs russes dont les exportations ont baissé à 87 000 bpj, soit le niveau le plus bas en huit ans.

Un caillou dans la chaussure des multinationales

Pour enrayer la montée en puissance de la raffinerie Dangote, les compagnies pétrolières internationales sont accusées de contrarier l’approvisionnement local du groupe. Selon Devakumar Edwin, vice-président chargé du pétrole et du gaz chez Dangote Industries Limited, ces multinationales opposent au groupe une concurrence féroce en gonflant artificiellement les prix d’achat du brut local par rapport aux cours du marché. Ce qui, toujours selon lui, contraint le groupe à importer le brut qu’il raffine, notamment des États-Unis.

Devakumar Edwin estime que les multinationales pétrolières indexées visent ainsi à maintenir le Nigeria dépendant des importations. Il déplore par ailleurs la politique de l’Autorité nigériane de régulation du pétrole en aval et en amont (NMDPRA), laquelle a, explique-t-il, délivré des licences d’exportation de façon dérégulée à des négociants pétroliers dont les pratiques s’opposent aux intérêts nationaux du Nigeria.

Signe des ambitions du groupe, Aliko Dangote avait, en mai dernier en marge de l’Africa CEO forum, jeté un pavé dans la mare en s’engageant à couvrir les besoins en pétrole du Nigéria d’ici juin 2024. De plus, sa raffinerie projette de bientôt être en capacité de fournir des produits pétroliers à toute l’Afrique de l’Ouest et du centre.

Teria News

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