Afrique du Sud : l’ANC forme sa première coalition gouvernementale

Première coalition de l’ère post-apartheid. Après la perte de sa majorité absolue en mai dernier, l’ANC forme un gouvernement « d’union nationale ». Principalement, avec l’Alliance démocratique (DA), mais aussi 9 autres partis, associés pour neutraliser les ambitions d’un « partenaire » encombrant.

Prévisible au vu de la courbe décroissante des résultats de l’ANC laquelle a, au cours de ces dernières élections générales, accusé un recul électoral régulier, le revers du parti et la perte d’une majorité parlementaire renouvelée depuis 30 ans, a reconfiguré le paysage politique sud-africain. Engoncée dans une toute-puissance qui l’a, ces dernières années, empêchée de renouveler son offre politique à la mesure des attentes d’une nouvelle génération, et des scandales de corruption à répétition (« State capture »), la perte de vitesse de l’ANC a principalement profité à l’Alliance démocratique (DA).

Bien qu’elle ne soit jamais parvenue à se défaire de son image de « parti de Blancs », récemment renouvelée par de scandale suscité par les diatribes racistes d’un de ses élus, avec ses 21.8% des suffrages exprimés à l’issue des élections du 29 mai et sa performance dans les riches provinces de Johannesburg et Durban, la DA est devenue une force politique avec laquelle l’ANC est contrainte de coopérer. Toutefois, le parti est parvenu, tout en tendant la main à son premier adversaire, à en limiter les ambitions.

ANC-DA : un mariage de circonstance et de raison

Que ce soit le douteux ménage fait par la DA dans ses propres rangs ou la lettre jugée « condescendante » transmise à l’ANC à travers de laquelle l’Alliance démocratique exigeait de pouvoir nommer elle-même les directeurs généraux des ministères qui lui seraient confiés par crainte que le personnel issu du parti de l’ANC fasse « obstruction » à sa gestion, la confiance est loin d’avoir été instaurée entre deux alliés qui se regardent en chien de faillance alors que Cyril Ramaphosa accusait en retour la DA de vouloir mettre en place « un gouvernement parallèle ».

Autant de dissensions qui ont pollué les pourparlers et poussé l’ANC à associer 9 autres partis d’opposition à cette expérience de coalition. Leur présence permettra à l’ANC, même en cas de rupture avec l’Alliance démocratique, de continuer à diriger une coalition de 201 sièges sur les 400 que compte l’Assemblée nationale, soit tout juste le nombre de voix requises pour faire adopter des lois.

Six portefeuilles au lieu des huit escomptés

« La DA est fière de relever le défi et de prendre place, pour la toute première fois, au sein du gouvernement national, où nous pourrons amener notre expérience d’excellence en matière de gouvernance, de tolérance zéro à l’égard de la corruption et d’élaboration de politiques pragmatiques fondées sur les résultats »

John Steenhuisen, chef de l’Alliance démocratique

Alors que la DA s’attendait à négocier au moins huit ministères, elle n’en a obtenu que six après que lui soit notamment passé sous le nez le ministère des Finances. Chargé de mettre en œuvre les politiques de discrimination positive auxquelles s’oppose la DA, son maintien dans le giron de l’ANC, bien qu’un temps concédé par Cyril Ramaphosa, était vital à la vision et au maintien de l’héritage du parti de libération. L’AD se voit octroyer le ministère de l’Agriculture (dirigé par John Steenhuisen mais allégé des enjeux la réforme agraire), le ministère de l’Intérieur, de l’Education, de l’Environnement, des Travaux publics et celui de la Communication. De plus, le parti obtient des postes de ministre adjoint pour Finances et l’Energie.

Sept des neuf alliés secondaires, dont certains ne comptent qu’un ou deux sièges parlementaires, ont hérité de postes de ministres ou ministres adjoints. Une façon de neutraliser davantage la DA. En tout, l’ANC conserve 60% des 32 postes ministériels (Finances, Affaires étrangères, Justice, Défense, Police), ainsi que la Vice-présidence d’un gouvernement pléthorique. Malgré ses 15% de voix le parti MK de Jacob Zuma et les EFF (9%) de Julius Malema, en rupture avec l’ANC, ont été écartés par Cyril Ramaphosa.

Teria News

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