Niger : Orano bientôt évincé par Rosatom dans l’exploitation de l’uranium ?

La société nucléaire publique russe Rosatom serait en passe d’évincer la multinationale française Orano dans l’exploitation de l’uranium nigérien. Alors que le Niger assure jusqu’à 17% de ses besoins, la France pourrait subir les conséquences énergétiques de la crise diplomatique ouverte depuis l’avènement du CNSP.

Si actée, la cessation des activités d’Orano (ex-Areva), fleuron industriel français dans la chaîne du combustible nucléaire : de l’exploitation de l’uranium pour la production de sa forme concentrée dite « yellowcake », au recyclage, en passant par son enrichissement, marquerait la fin d’un cycle de coopération économique et énergétique entre le Niger et la France. Depuis l’arrivée au pouvoir des militaires du CNSP à la faveur du coup d’État de juillet 2023, les relations entre Niamey et Paris, anciens alliés étroits, n’ont cessé de se dégrader, notamment sur le plan sécuritaire après l’expulsion des soldats français par les nouvelles autorités militaires, dans la foulée de leur prise de pouvoir.

Orano en difficultés, Rosatom en embuscade

La défiance entre le CNSP et Paris, sur fond d’accusations d’ingérence dans le processus décisionnel de la CEDEAO en faveur de l’implémentation de sanctions par le bloc sous-régional contre le Niger en réaction suite au coup d’État du général Tiani, a conduit les militaires à se tourner vers d’autres partenaires comme la Russie. Si cette coopération s’est d’abord constatée dans le domaine sécuritaire avec l’accueil par Niamey d’instructeurs et d’armements russes mi-avril, elle pourrait s’étendre au sous-secteur de l’énergie nucléaire jusqu’ici dominé par le français Orano.

Citant différentes sources à Moscou en Russie et au siège de l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne en Autriche, l’agence Bloomberg rapporte lundi 3 juin que la société nucléaire d’État russe Rosatom est sur le point de prendre le contrôle d’actifs d’uranium détenus actuellement par le français Orano au Niger.

Or, Orano est un acteur majeur du secteur énergétique dans le pays. Le groupe possède en effet des intérêts majoritaires dans les mines Somaïr, toujours en exploitation, et Cominak, une mine fermée depuis plus de deux ans. La multinationale française contrôle aussi le projet Imouraren, dont le développement a été suspendu en 2015 en raison de la chute des cours de l’uranium.

Un risque énergétique pour la France et l’Europe

Bien que sur la scène internationale, le Niger ne représente plus que 4,7 % de la production mondiale d’uranium, il demeurait en 2022 un des principaux fournisseurs de l’Union européenne.

Le pays a en effet été relégué au septième rang des producteurs, derrière le Kazakhstan (43 %), le Canada (15 %), la Namibie (11 %) et l’Australie (8 %). De plus, selon des chiffres de l’Association mondiale du nucléaire, seulement 2.020 tonnes d’uranium ont été extraites en 2022 au Niger sur une production mondiale estimée à 48.888 tonnes. Toutefois, les données d’Euratom placent le Niger en deuxième place parmi les fournisseurs d’uranium de l’Union européenne en 2022. Et concernant les besoins hexagonaux, le Niger représente 15 à 17 % des importations reçues par la France ces dix dernières années.

Outre l’approvisionnement de certains partenaires, l’exploitation de l’uranium du Niger et sa commercialisation sur le marché international revêt un enjeu particulier depuis la prise de pouvoir du CNSP. Bien que démenti par les nouvelles autorités militaires, les États-Unis ont affirmé l’existence d’un accord entre Niamey et Téhéran pour la fourniture à l’Iran d’uranium dont Washington craint l’usage dans un programme d’enrichissement nucléaire à des fins militaires. Dans le contexte de vives tensions au Proche et Moyen-Orient, parallèlement aux aspirations souverainistes de Niamey, ces affirmations ont contribué à la dégradation subite des relations entre le Niger et les États-Unis, avec la dénonciation, en mars, par le CNSP des accords de coopération militaire encadrant la présence des soldats américains sur le sol nigérien depuis 2012.   

Teria News

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