Pacte sécuritaire Washington-Riyad : un deal hypothétique  

Arabie Saoudite et États-Unis négocient un accord sécuritaire selon lequel Washington riposterait à toute attaque contre Riyad en échange de la reconnaissance d’Israël par le Royaume. Objectif saoudien: se protéger de l’Iran. Un coup de froid dans le rapprochement Téhéran-Riyad, pourtant officiellement rabibochés et membres des BRICS+.

À la manœuvre de ces négociations de haute voltige, l’objectif du prince héritier Saoudien est de mettre Riyad hors de portée de l’Iran. En effet, malgré le coup d’éclat que fut l’annonce de la reprise des relations diplomatiques entre les deux puissances rivales du Moyen Orient, la confiance n’est toujours pas de mise. Loin s’en faut. Arabie Saoudite et Iran qui se sont longtemps affrontés par proxy, en armant des camps ennemis, principalement au Yémen (400 000 victimes en 8 ans de conflit selon l’ONU), en Syrie, mais également sur des terrains froids comme le Liban, se regardent encore avec méfiance.

Salué pour les espoirs de stabilité qu’il souffle sur la région, le rapprochement médié par la Chine est aussi observé avec prudence tant l’antagonisme entre les deux puissances a contribué à tracer les lignes de fracture des conflits régionaux durant les décennies passées.

Riyad craint la puissance militaire de l’Iran

« Nous nous préoccupons du fait qu’un pays puisse se doter d’une arme nucléaire. C’est une mauvaise chose (…). Ils n’ont pas besoin de se doter d’une arme nucléaire parce qu’ils ne peuvent pas l’utiliser ». « S’ils en obtiennent une, on devra en avoir une nous aussi ».

Mohammed Ben Salmane (MBS), le 20 septembre dernier sur Fox News à propos de l’Iran

Les craintes saoudiennes se sont particulièrement renforcées depuis les attaques perpétrées par la résistance yéménite sur des installations de la société nationale de pétrole Aramco en 2022, et ce, quelques mois après que les États-Unis aient ordonné le retrait de leur système de défense antimissile Patriot du territoire saoudien. Un parapluie sécuritaire à l’image de celui négocié par le Japon et la Corée du Sud avec Washington, ou plus récemment par Bahreïn, lequel prévoit notamment un renforcement des échanges d’informations et un engagement à « faire front à toute agression extérieure », rassurerait Riyad face aux ambitions de Téhéran. Il aurait aussi un coût : la reconnaissance de l’État d’Israël, condition sine qua none par ailleurs remplie par Bahreïn en 2020.  

Anticipant une levée de boucliers du camp propalestinien aujourd’hui affaibli, MBS tente de rassurer en affirmant qu’une telle normalisation s’accompagnera d’accords visant à « mettre fin à l’occupation de toutes les terres arabes occupées par Israël depuis 1967, établir un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale et accorder aux Palestiniens le droit à l’autodétermination ». « Nous pensons qu’une relation entre des pays de la région et le régime sioniste serait un coup de poignard dans le dos du peuple palestinien et de la résistance palestinienne », a pour sa part réagi le président iranien Ebrahim Raïssi.

Un pacte sécuritaire politiquement incertain

En désaccord sur la réduction de la production de pétrole menée par l’Arabie Saoudite depuis la mise en place des sanctions américaines sur les hydrocarbures russes, la normalisation de ses relations avec l’Iran, puis la Syrie dans la foulée du séisme dévastateur de février dernier, ou encore sa récente adhésion au groupe des BRICS, les négociations entre Washington et Riyad achoppent sur plusieurs points. De plus, malgré le souhait de Joe Biden de signer son mandat avec cet exploit diplomatique, la Maison Blanche pourrait ne pas avoir les coudées franches. En effet, une majorité hypothétique de deux tiers du Sénat devrait valider un tel projet et il resterait à convaincre l’opinion publique américaine, à 55% opposée à un potentiel accord.  

Tous deux membres des BRICS+ à compter de janvier 2024, le rapprochement Iran-Arabie Saoudite signifie surtout des relations plus complexes suivant des logiques mouvantes. Il est symptomatique d’un nouvel ordre mondial « à la carte » où des États qui dialoguent, entretiennent des relations diplomatiques, commerciales et stratégiques, ne s’empêchent pas de se livrer à des rivalités féroces, mais larvées.

Teria News

Quitter la version mobile