Une visite de 48h axée sur la coopération commerciale, alors que les questions sécuritaires ont été plus marginalement brossées avec au passage un coup de sang de Patrice Talon contre RFI accusée de se « réjouir [des] déconvenues réelles ou imaginaires » du Bénin. Mohamed Bazoum boucle ce mardi sa première visite officielle au Bénin.
C’est peut-être davantage un retour aux bonnes manières qu’un évènement en soi. La visite d’amitié et de travail du président nigérien s’inscrit finalement dans la courtoisie traditionnelle qui caractérise des relations de bon voisinage entre pays frontaliers. La sensation suscitée par le séjour de Mohamed Bazoum s’explique néanmoins par la faible affluence des homologues du chef du palais de la Marina sur le sol béninois depuis son arrivée au pouvoir en 2016. Au point que d’aucuns se demandaient si le pays, devenu infréquentable après les troubles socio-politiques qui ont marqué les premières heures du régime de la rupture, était tout simplement boudé, pire, ostracisé à l’échelle sous-régionale, continentale ou même internationale.
Avec une multiplication des déplacements à l’étranger ces derniers mois, ainsi que l’organisation réussie et à venir de plusieurs visites de chefs d’État, dont celle du président rwandais, le second mandat de Patrice Talon tourne la page d’un quinquennat de relatif isolement. Le Bénin reçoit et est reçu. Mieux, sa voix porte à l’international sur les grands enjeux géopolitiques de notre époque. Après l’organisation des premières législatives inclusives de son régime, le climat socio-politique s’en trouve d’autant plus apaisé.
Critique du tropisme sécuritaire de certains médias
« La séance de travail a été plus technique que politique, nous avons parlé très peu de sécurité ». À en croire les communiqués et déclarations officiels, les échanges entre les délégations des deux pays ainsi que le dialogue entre les deux chefs d’État a davantage porté sur la coopération économique entre le Niger et le Bénin que sur les questions sécuritaires. Une visite technique donc, là où opinion et observateurs attendaient les homologues sur le partenariat contre le terrorisme qui s’est métastasé au Bénin depuis décembre 2021, marqué par plusieurs attaques meurtrières dans la région septentrionale du pays. Rejoignant les présidents malien et burkinabè de Transition, le président Talon à ce propos ouvertement agacé du traitement, jugé alarmiste, de l’information relative aux défis sécuritaires rencontrés par le Bénin de la part du média français RFI.
« Depuis quelques temps, notre action porte des fruits […] Les attaques et les menaces sont plutôt rares. Je ne dirais pas que nous avons la paix définitive, je ne sais même pas s’il en existe quelque part dans le monde, mais ces manifestations dans cette région sont plutôt maîtrisées. Et je peux dire que nous sommes relativement satisfaits de ce qui se fait, au grand dam de RFI qui ne manque aucune occasion de se réjouir de nos déconvenues réelles ou imaginaires. Nous avons tous entendu ce matin sur vos antennes que le Parc W fait l’objet d’attaques régulières. Je ne sais pas si le mot ‘régulier’ veut dire la même chose que ‘sporadique’ ou plutôt ‘rare’… Nous constatons, nous savons que c’est plutôt rare maintenant. Mais, pour vous c’est régulier. Je ne sais pas quel sens vous donnez à cela. Mais c’est dommage que ce qui vous intéresse et dont vous faîtes l’apologie, ce n’est que les choses très mauvaises ou qui parfois n’existent que dans votre imagination. Je suis désolé de le dire ainsi. »
Patrice Talon, président béninois
Le président béninois n’a pour autant pas manqué de saluer la signature de l’Accord de coopération militaire entre le Bénin et le Niger qui scelle notamment la conduite d’opérations militaires conjointes entre les forces armées des deux pays. Afin d’assurer la couverture du « point triple », du nom de la frontière partagée entre le Bénin, le Niger et le Burkina Faso, Patrice Talon s’est déplacé à Ouagadougou le 16 février dernier où il a échangé avec le capitaine Ibrahim Traoré sur le dossier de la coopération bilatérale entre les deux pays. Toujours sur le dossier sécuritaire, aucune précision n’a été apportée sur la force conjointe promue par les États de l’Initiative d’Accra, l’avenir de la coopération multilatérale contre le terrorisme dans la sous-région Ouest-africaine.
Approfondissement de la coopération économique
Grand client du port de Cotonou dont il dépend notamment pour l’acheminement de ses produits d’exportation, le Niger souhaite consolider les appuis de ses opérateurs dans ce poumon de l’économie sous-régionale.
Parmi les produits mentionnés, figure le pétrole nigérien. « Nous avons décidé que nous évacuons notre pétrole à partir du port de Cotonou, cet engagement est un engagement irrévocable et nous ferons toujours en sorte que notre relation soit harmonieuse et profitable à nos deux pays », a déclaré Mohamed Bazoum. Rappelons que le Projet de Pipeline Export Niger-Bénin (PENB) vise la construction d’un système de transport par canalisation pour évacuer le pétrole brut produit au Niger vers le marché international via le territoire béninois. D’une longueur totale de 1980 km dont 675 km sur le territoire national, la section béninoise du pipeline formera avec la section nigérienne, un système de pipeline intégré partant du Niger et traversant le territoire béninois jusqu’à la côte du Bénin dans la commune de Sèmè-Kpodji. Le pipeline traversera les départements de l’Alibori, du Borgou, des Collines, du Plateau et de l’Ouémé, dix-sept (17) communes et cent cinquante-deux (152) villes et villages.
« Si nous avons autant d’attentes et d’enthousiasme pour l’exploitation et l’exportation du pétrole nigérien, c’est bien parce qu’il y a un intérêt pour le Bénin », a souligné Patrice Talon. « Le passage du pétrole va générer des revenus pour l’État béninois en termes de redevances et c’est très important », a-t-il ajouté.
Le président nigérien devrait boucler sa visite de 48 heures ce mardi. Figure notamment sur l’agenda de Mohamed Bazoum, la rencontre de compatriotes vivant au Bénin.
Teria News