Entre Hard et Soft power, Emmanuel Macron maintient le cap en Afrique

Deux jours avant sa tournée en Afrique centrale, évoquant un « lien existentiel » entre la France et l’Afrique, Emmanuel Macron présente les axes de sa nouvelle politique africaine. Actant son déclin, Paris s’avoue contraint d’adopter une « profonde humilité » dans ses relations avec le continent. Maintenues, les bases militaires désormais seront co-gérées.

En prélude à sa tournée continentale, Emmanuel Macron exposait ce lundi les grands axes de sa future politique africaine. Cette fois-ci, le président français a préféré le cadre d’un salon Élyséen à celui d’une capitale africaine. Tout un symbole, mais pas que. Le sol africain aurait en effet amplifié le potentiel polémique de sa présence où, dans un contexte de déclin lourd de passifs coloniaux et néocoloniaux, les mots d’un président français sont toujours accueillis avec défiance. 

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Fin 2017 face à plusieurs centaines d’étudiants, Emmanuel Macron s’était livré à un de ses exercices favoris : le stand-up politique. Répondant à la jeunesses estudiantine dans un style spontané, le président français voulait incarner une nouvelle ère décomplexée entre la France et l’Afrique. Mais hormis la restitution symbolique de 26 œuvres du Trésor royal d’Abomey au Bénin, la suite de son premier quinquennat a douché les minces espoirs suscités par ses déclarations.

Ainsi, de l’ignominieuse convocation de Pau où, en 2019, sur fond de rejet de la présence militaire française au Mali, Emmanuel Macron appelait sur un ton martial ses homologues sahéliens à « clarifier » leur position sur l’armée Hexagonale et à faire taire les opinions dissidentes (notamment portées par l’artiste Salif Keita), à la gestion de la crise diplomatique avec le Mali où a suinté toute la condescendance des élites françaises, en passant par la réforme du franc CFA qui a vu la préemption par la France de l’Eco, pourtant projet fondateur de la CEDEAO, Emmanuel Macron a fait la démonstration de son arrogance vis-à-vis de l’Afrique. Au point que les casseroles accumulées sur le continent ont sonné l’alarme dans la classe politique française, contrainte de reconnaitre l’échec de la politique africaine de leur chef d’État.  

Emmanuel Macron a beau annoncer une loi visant à encadrer de « nouvelles restitutions » d’œuvres d’art aux pays africains, le soft power français pourra difficilement compenser les faux pas et fautes de goût dans sa gestion des dossiers africains.

Une « profonde humilité » toute contrainte

C’est peut-être le signe, sinon que l’exécutif français a entendu le message des Africains, en particulier de la jeunesse, du moins qu’il a compris devoir changer de langage, Emmanuel Macron, à l’instar de sa ministre chargée la coopération, parle désormais de « profonde humilité » dans ses rapports avec le continent. Toutefois, il faut y voir l’expression d’un pragmatisme contraint. Désavouée par les opinions publiques africaines, la France dont l’influence rétrécit à la faveur de ses propres bourdes et à mesure que celle de la Chine, Russie ou Turquie s’accroit, reconnait ouvertement son déclin en Afrique. L’humilité affichée n’est alors plus un choix, Paris est contraint de botter en touche.

Mais si l’Élysée assume la compétition économique avec les autres puissances, Paris récuse la compétition sécuritaire. Devenues indésirables et un « prétexte pour beaucoup d’opposants de la France » en ses termes, Emmanuel Macron annonce la cession progressive des bases françaises aux armées nationales africaines pour une présence « moins visible ». Une réorganisation qui n’a toutefois pas vocation à être un « retrait ni un désengagement ». Là réside toute son ambiguïté. Assurant des missions de formation ou d’encadrement, les bases militaires françaises deviendront des « académies », « bases conjointes » ou « partenariales ».

La France doit assumer sa « part d’Africanité », déclare par ailleurs le président français qui affirme que l’Hexagone « n’a plus de pré-carré » en Afrique. En outre, actant le fossé grandissant entre le Sud global et l’Occident devenu minoritaire et isolé dans ses positionnements, Emmanuel Macron fait de la résorption de ce hiatus un enjeu de survie. Un futur Sommet pour un nouveau partenariat Nord-Sud sera, estime le président français, le cadre propice de ce renouvellement.

Teria News

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