La Russie bientôt débranchée de l’internet mondial ?

Géopolitique du numérique : la Russie anticipe une déconnexion de l’internet mondial. Au cours de plusieurs exercices de cybersécurité, Moscou a testé des scénarios défensifs comme l’option offensive, en cas d’attaque externe.

« Gouverner, c’est prévoir », dit l’adage. Dans le contexte de la guerre engagée contre l’Ukraine et de la cascade de sanctions votées par le bloc occidental contre la Russie, le Kremlin n’écarte aucune menace. Impensable il y a encore 12 mois, l’intensité et la coordination de la réponse des alliés de Kiev a, de l’aveu même de sa classe politique, pris de cours Moscou qui n’avait anticipé ni l’alignement des pays européens, pourtant dépendants à 40% du gaz russe, sur l’embargo énergétique étatsunien, ni être débranché aussi rapidement du réseau SWIFT. Un scénario catastrophe que le Kremlin a, depuis, réussi à naviguer via différents modes de contournement, mais qui n’a pas manqué d’interpeller ses cellules de prospective.

Refusant de se laisser à nouveau surprendre et alors que les cyberattaques contre ses infrastructures numériques se multiplient, Moscou a mené plusieurs exercices de cybersécurité simulant une déconnexion de l’internet mondial, révèle le journal russe Kommersant. Les scénarios anticipés couvrent autant une initiative défensive, décidée par les autorités russes, que l’éventualité d’une mesure imposée de l’extérieur. Ainsi, la résilience du réseau russe et sa capacité à opérer de façon autonome ont été testés ces derniers mois avec la participation de banques, d’opérateurs télécoms et des plus grandes sociétés internet.

Difficile isolement du réseau russe

Souvent évoquée comme la principale source des cyberattaques dans le monde, la Russie est aussi une cible privilégiée. Ces dernières auraient augmenté de 80% cette année selon le vice-premier ministre Dmitri Chernychenko : « Si l’année dernière, le secteur financier était la principale cible, cette année c’est le secteur public qui est visé », précise-t-il à Kommersant.

Dans la perspective d’une attaque, si le segment russe du World Wide Web venait à être déconnecté, le fonctionnement du reste du réseau mondial en serait affecté car le trafic de plusieurs pays d’Asie passe actuellement par la Russie. Dans un scénario défensif, l’opérateur russe Rostelecom a été chargé par Moscou de préparer un plan de déconnexion de la Russie. « Si la Russie est coupée des points d’échanges européens, elle redirigera le trafic Internet vers l’Asie », indique un expert de Rostelecom à Kommersant. Dans cette hypothèse, la vie privée de la population russe pourrait être lourdement impactée. Certains défenseurs des droits humains craignent ainsi que l’étau se resserre sur les dissidents du régime. Toutefois, l’adoption par Moscou d’un modèle fermé d’internet, à l’instar de l’Iran ou de la Chine, est jugé peu probable par les experts qui envisagent plutôt d’un « durcissement interne et des restrictions d’accès ».

Teria News

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