Les nouvelles ambitions régionales et globales d’Alger

Candidate à l’entrée dans le club des BRICS depuis juillet, l’Algérie a officiellement déposé sa demande d’adhésion. Alger vise ainsi à se mettre « à l’abri des tiraillements entre deux pôles ». Également symbole de son retour sur le grand échiquier mondial, le pays se voit aussi en puissance antiterroriste sahélienne.

Capitale du non-alignement aux côtés du Caire de Nasser, Alger, jusqu’ici en retrait du concert des nations dans lequel il se contentait d’occuper la position de pourvoyeur de matières premières, au gré des fluctuations des cours des marchés, ambitionne désormais d’y occuper une place prépondérante. Pas à pas, l’Algérie avance ses pions afin de faire valoir son statut de puissance régionale et globale.

L’espoir d’un ordre mondial alternatif

« Nous avons déposé notre demande qui est appuyée par la Chine et la Russie » (…) « Lors de la dernière réunion des BRICS à laquelle le président de la République Abdelmadjid Tebboune a été convié avec d’autres chefs d’États, une décision a été prise pour ouvrir les portes de l’adhésion à de nouveaux pays. »

Leila Zerrouki, envoyée spéciale chargée des grands partenariats internationaux au ministère algérien des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger, 7 novembre

Avec 42 % de la population mondiale (3,2 milliards de personnes) et 25 % du produit intérieur brut (PIB) global, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) représentent l’espoir d’un système international équilibré. Pour faire contrebalancer à un ordre économique et financier façonné par les institutions de Bretton Woods, les BRICS ont créé une banque de développement en 2014.

Malgré la force d’attraction qu’il exerce sur des candidats de plus en plus nombreux, dont le Nigeria, l’Argentine, l’Arabie Saoudite ou l’Iran, le groupe tarde toutefois à convertir les nombreuses attentes projetées sur lui depuis sa fondation en 2009. En cause, les disparités entre ses membres. Sur le plan économique d’une part, l’écrasante supériorité de la Chine cantonnant les autres pays au rôle ingrat de débouchés privilégiés de ses produits manufacturés, sur le plan géopolitique d’autre part, la difficulté à parler d’une seule voix pour réellement faire contrepoids au front, même relatif, présenté par les puissances occidentales. Le positionnement équilibriste des autres pays membres vis-à-vis de la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine éloigne la perspective d’une alliance géopolitique, voire militaire entre BRICS, et ainsi, les espoirs d’une alternative à l’OTAN. Il témoigne plutôt du refus des États membres de se laisser enfermer dans une architecture dogmatique, comme de leur revendication d’autodétermination et de souveraineté nationale.

L’Algérie, bientôt une puissance antiterroriste régionale ?

Également symptomatique du regain de dynamisme de la diplomatie algérienne, le pays se positionne progressivement comme une puissance antiterroriste sahélienne et régionale. Avec un budget de Défense gonflé de 10 à 22,6 milliards de dollars, niveau inégalé depuis 8 ans, Alger entend, à n’en point douter, exporter son expertise antiterroriste sous forme d’interventions directes ou indirectes. Aux prises avec la menace terroriste, les États sahéliens et les groupes armés du Nord du Mali signataires des Accords d’Alger de 2015 apparaissent comme les premiers destinataires des ambitions algériennes.

De plus, Alger a réactivé le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) à l’occasion d’un sommet tenu le 13 octobre dernier. Le groupe, qui rassemble les armées algérienne, nigérienne, mauritanienne et malienne, a été créé il y a 12 ans pour servir de cadre de concertation aux actions antiterroristes au Sahel. Entre temps court-circuité par les interventions françaises dans la région, le CEMOC veut renaitre de ses cendres, à la faveur de l’impopularité et du retrait des opérations antiterroristes de Paris, mais aussi avec sa bénédiction. Également invités au sommet du 13 octobre, la présence des représentants de l’ONU et de l’Union africaine témoigne de la volonté d’Alger d’obtenir l’onction des deux institutions. L’Algérie deviendrait ainsi le point de convergence de la communauté internationale en matière de sécurité sur le continent africain.

En outre, avec les amendements constitutionnels de décembre 2020 (articles 31 et 91), le président Abdelmadjid Tebboune avait préparé le terrain. Marquant une rupture politique historique, ces articles autorisent désormais le chef d’État algérien à « déployer l’armée à l’étranger » et permet à l’armée de participer, dans le cadre de missions de la paix, à des opérations de l’ONU, de la Ligue arabe et de l’Union africaine.

Teria News

Quitter la version mobile