AfriquePolitique

Guinée : grève générale sur fond de crise politique

Mamadi Doumbouya sous pression. En Guinée, les centrales syndicales des secteurs public, privé et informel du pays ont lancé une grève générale illimitée ce lundi. Objectif : réclamer des mesures contre la vie chère, bousculer le pouvoir sur la restriction des libertés et dénoncer la prolongation de la Transition après 2024.

Opération ville morte réussie à Conakry. Le mot de grève illimité lancé par les centrales syndicales des secteurs public, privé et informel du pays a été largement suivi. Ce lundi 26 février dans la capitale les routes étaient désertes, les écoles et commerces fermés, même le grand marché de Madina, poumon économique de Conakry, était vide. Si la grogne sociale porte principalement sur la vie chère et réclame une baisse des prix des denrées de première nécessité ainsi que des mesures contre les conséquences de l’explosion du principal dépôt d’hydrocarbures du pays qui a paralysé la Guinée plusieurs semaines, elle est venue s’agréger à des griefs politiques nourris depuis plusieurs mois contre le CNRD du général Mamadi Doumbouya par acteurs politiques et membres de la société civile.

C’est ainsi sans surprise que ces derniers appuient le mouvement. Dénonçant la confiscation des libertés publiques et individuelles dont l’interdiction de se rassembler, la coupure d’internet depuis bientôt quatre mois accompagnée du brouillage de stations de radios, les forces vives de la nation voient en cette crise du pouvoir d’achat, une fenêtre d’opportunité.

Fin du consensus politiques post-putsch

« Cette grève est la bienvenue, elle va obliger les autorités à comprendre qu’ils ne sont pas des dieux sur terre […] Je suis en grève parce que le Guinéen est malade de la souffrance artificiellement créée et entretenue par nos gouvernants »

Cadre d’un ministère qui a requis l’anonymat

Ce lundi, les rues de Conakry furent également le théâtre d’échauffourées, notamment à Baïlobaya. Depuis dimanche soir, des jeunes ont installé des barricades sur certains grands axes.

Signe de la restriction de l’espace des libertés le journaliste Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG), a été condamné vendredi à six mois de prison dont trois avec sursis. Les syndicats exigent sa libération.

Bien qu’ayant consenti, sous la pression internationale, à organiser des élections d’ici la fin 2024, opposition et société civile mettent en doute la bonne volonté de Mamadi Doumbouya. À cet égard, le président de Transition aurait, selon Africa intelligence, envoyé des émissaires auprès de chancelleries occidentales afin de négocier une prolongation d’un an de la période de Transition. Alors qu’elle a été contrainte de céder du terrain face au départ conjoint des pays de l’Alliance des États du Sahel avec une levée de la majorité des sanctions qui pesaient contre le Niger (à l’exception des sanctions individuelles), mais aussi contre la Guinée, la CEDEAO pourrait diluer sa voix pour préserver ce qui reste de la Communauté. Dans un tel contexte régional et international, les forces vives de la nation semblent marcher seules dans le bras de fer engagé contre le CNRD.

Le limogeage du gouvernement raconté de l’intérieur

Selon certaines indiscrétions, le projet initial du président Doumbouya était d’opérer un simple remaniement ministériel, mais les événements du lundi 19 février 2024 ont précipité sa décision radicale. Les ordres donnés par le ministre de la Justice Charles Wright, interdisant la sortie du territoire à tous les DAAF de tous les départements ministériels et à tous les directeurs des EPA, en fut le point de départ. Froissé par la mesure, le Premier ministre Bernard Gomou lui avait rétorqué que la question devait être, au préalable, discutée en conseil des ministres. Mais Charles Wright refusa de se soumettre au Premier ministre.

Bernard Gomou fut alors mis en difficulté pour obtenir de la Présidence des ordres de mission pour certains fonctionnaires devant participer à Dubai à la Table des bailleurs de fonds sur laquelle les autorités fondaient leurs espoirs pour financer les projets de la Transition. De retour à Conakry le dimanche 18 février dans l’après-midi, il signa un arrêté suspendant le ministre de la Justice Charles Wright de ses fonctions et demanda à un de ses proches collaborateurs d’aller faire enregistrer son arrêté au Secrétariat Général du Gouvernement. Ce dernier informa la Présidence du projet du premier ministre de suspendre Charles Wright.

Surpris, le Général Amara Camara, Ministre Secrétaire Général à la Présidence, tenta de faire raviser le premier ministre Gomou, sans succès. Et comme, celui-ci avait déjà réussi à obtenir un numéro d’enregistrement pour son arrêté, il décida de le notifier par un de ses collaborateurs à la Primature à Charles Wright en main propre, pour éviter les fuites sur les réseaux sociaux. Mais, Charles Wright avait déjà été informé par le secrétaire général du Gouvernement Abdrahmane Sikhé Camara. En représailles, Charles Wright, enjoigna le procureur général de Conakry de mettre aux arrêts le Premier ministre Gomou pour entrave à la justice. Mais, Wright prit soin d’appeler à la Présidence pour les informer de sa décision.

Alerté, le président Doumbouya appella Bernard Gomou et Charles Wright et leur donna l’ordre de surseoir à toutes leurs actions. Au cours d’une réunion d’urgence entre le cabinet présidentiel et les membres du CNRD, l’option de la dissolution du gouvernement fut alors préférée à celle d’un remaniement. Enfin, la décision a été prise de la rendre publique sans délai, en amont même du journal télévisé de la RTG, afin de devancer une éventuelle fuite des actions de Bernard Gomou ou de Charles Wright.  

Teria News

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page