Tchad : Après la répression sanglante, place à la terreur

La répression sanglante du 20 octobre a laissé place à la terreur. Enlèvements, torture, exécutions extrajudiciaires, Mahamat Déby semble déterminé à se maintenir au pouvoir à tout prix. L’exception tchadienne reste une bombe à retardement.

Sa visite vendredi à l’Hôpital Général de Référence Nationale a offert un spectacle de mauvais goût. Malgré le concert hypocrite de condamnations internationales, aucun désaveu n’a frappé le régime de Mahamat Déby qui, loin de calmer son ardeur répressive contre ses concitoyens ayant exprimé leur opposition à son maintien au pouvoir, a profité de la nuit tombée sur des dizaines et dizaines de morts, pour traquer les meneurs des manifestations et toute personne associée aux marches du 20 octobre. La preuve que le régime ne fait en rien acte de repentance, au contraire, il maintient le cap.

La terreur pour se maintenir à tout prix au pouvoir

« Le siège national de notre parti est en train d’être saccagé par les forces de sécurité qui ont forcé l’entrée. Après avoir abattu 70 personnes, arrêté, blessé et torturé plus de 1000 autres, les voici en train de s’en prendre aux immeubles et aux documents. »

Success Masra, président du parti les Transformateurs, en fuite depuis le 21 octobre

La répression du 20 octobre est l’acte fondateur du régime. Plusieurs témoignages locaux font état de patrouilles nocturnes ciblant certains quartiers des zones urbaines concernées par les manifestations, d’enlèvements, de torture et d’exécutions extrajudiciaires. Ces traques qui visent à faire régner la terreur, sont une tentative désespérée d’intimidation les contestataires, l’objectif étant d’éviter à tout prix le spectacle de désaveu populaire offert par les vagues de manifestants de jeudi. Alors que le Dialogue National Inclusif, mascarade visant à donner une caution démocratique à Mahamat Déby, était une manœuvre qui n’a pas pris, la répression du 20 octobre met en danger l’exécutif tchadien.

En manque d’imagination, le régime recycle de vieilles méthodes et confirme sa filiation avec le pouvoir défunt. Jeudi soir, la mise en place du triptyque : couvre-feu, suspension des activités des partis politiques d’opposition impliqués dans les manifestations et coupures d’internet, en était un indice. Annoncées par le Premier ministre Saleh Kebzabo, pourtant opposant à Idriss Déby, ces mesures signent la compromission des figures de l’opposition tchadienne qui ont accepté de rejoindre le gouvernement d’union nationale. Attrape-nigauds historiques sur le continent, ils nourrissent la défiance des peuples à l’égard de ses élites.  

Ces derniers ont le sentiment que rien n’a changé et que rien ne changera. Etouffés par une chappe de plomb, ils estiment avoir été floués, sacrifiés sur l’autel de la stabilité régionale au nom d’intérêts qui les dépassent. Toutefois, le peuple tchadien réclame le droit à l’autodétermination, au changement, à la liberté et à la paix. En principe des acquis à l’aube du XXIe siècle, mais déniés par une communauté internationale qui refuse de joindre le geste à la parole en sanctionnant les responsables du bain de sang du 20 octobre et en désavouant officiellement Mahamat Déby.

L’exception tchadienne, une bombe à retardement

Aux côtés des autorités nigériennes, le président de Transition est devenu le pilier de la politique française en Afrique depuis sa perte d’encrage au Mali. QG de l’opération Barkhane, N’Djamena en tant qu’ultime bastion de Paris sur le continent, est vital pour ses intérêts face à la montée en puissance de la Russie, alternative aux partenariats historiques, mais de plus en plus contestés avec l’ancienne puissance coloniale. Essentielle au maintien de la France en Afrique, l’exception tchadienne, pourrait paradoxalement, après son déclin, entériner son crépuscule. En Afrique, le réel ennemi de la France n’est pas la Russie, mais elle-même.

En outre, le régime est traversé par des divisions ethniques, générationnelles et devant à la stratégie à adopter face à la contestation populaire. D’autant que Mahamat Déby, le plus petit dénominateur commun, ne fait pas l’unanimité entre les principaux clans au pouvoir.

Teria News

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