Guinée : 39 mois de Transition, Mamadi Doumbouya a-t-il franchi le Rubicon ?

8 mois après son coup d’État, Mamadi Doumbouya présente un calendrier de 39 mois dit « consensuel ». Avec presque 4 ans de Transition, les concertations nationales ont-elles bon dos ?

Dans une allocution télévisée donnée samedi soir, Mamadi Doumbouya, au pouvoir depuis le 5 septembre 2021, a enfin annoncé une durée de Transition. Ce sera « 39 mois ». Quasiment aussi éloigné des 6 mois préconisés par la CEDEAO que la durée d’un mandat présidentiel. Dans l’impasse, l’organisation a accordé un « délai supplémentaire » aux régimes de transition burkinabè, malien et guinéen lesquels, ont tous esquivé le 25 avril, date butoir communautaire pour présenter un calendrier de transition « raisonnable ». Une timide tentative pour la CEDEAO de garder la face devant des États qui la défient ouvertement. À cet égard, avec ses 39 mois de Transition, Mamadi Doumbouya semble avoir franchi le Rubicon. Quelle sera la réaction d’une CEDEAO accusée d’entretenir un laxisme complice envers Conakry ?

Presque 4 ans de mandat : les concertations nationales ont-elles bon dos ?

« Je ne décide pas seul, j’agis avec tout le monde. C’est pourquoi, il y a eu successivement les Journées nationales de concertation, les Assises nationales et maintenant le Cadre de concertation et de dialogue, qui viennent de rendre leurs conclusions provisoires », a déclaré le président de Transition.

« C’est le lieu pour moi de remercier tous ceux qui ont contribué à la réussite de ces différents travaux. Chaque Guinéen a droit à la parole, l’avis de tout le monde compte. C’est la volonté de la majorité qui tranche les contradictions. Il ressort une proposition médiane d’une durée consensuelle de la transition de 39 mois. Le CNRD [Comité national du rassemblement pour le développement, l’organe dirigeant de la junte, ndlr] et le gouvernement à leur tour soumettront au CNT [Conseil national de transition, ndlr], qui tient lieu de Parlement, cette proposition qui est consécutive à de larges et patientes concertations. »

Mamadi Doumbouya, président guinéen de Transition

Levée de boucliers de l’opposition

Si en aval du « Cadre de concertation inclusif », le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Mory Condé, s’est félicité vendredi de ce que l’« ensemble des acteurs » ayant accepté d’y participer ont « proposé des durées allant de 18 à 52 mois », il n’en demeure pas moins qu’ayant été boycottées par de nombreux partis, la légitimité de ces assises est de facto compromise.

À couteaux tirés avec le CNRD, notamment depuis le lancement par Mamadi Doumbouya de l’opération de récupération des biens immobiliers de l’État, initiative qui s’attaque à des privilèges indument conservés par la classe politique guinéenne, l’opposition menace. Alliée au Front National de Défense de la Constitution (FNDC), une coalition de la société civile en première ligne contre le troisième mandat d’Alpha Condé, elle agite le spectre de vastes manifestations populaires. Mais parviendront-ils à mobiliser ?

En attendant, le FNDC évoque « une menace pour la paix et l’unité nationale », recommande la tenue d’un nouveau « dialogue inclusif », cette fois conduit « sous la supervision de la communauté internationale ». Le Front appelle également « les citoyens guinéens pro-démocratie à rester mobilisés pour sauver la transition en cours ».

En visite au Sénégal depuis dimanche, dans le cadre d’une tournée en Afrique de l’Ouest, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a abordé la question de la recrudescence des coups d’État dans la région. Aux côtés de Macky Sall, le diplomate a exhorté à un « retour à l’ordre constitutionnel dans les délais les plus brefs », sans toutefois s’étendre sur le sujet de la profonde remise en cause d’une certaine démocratie à l’aune de l’incapacité des régimes dits démocratiquement élus à honorer leur part du Contrat social.

Teria News

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