Cavalière hors pair, la princesse Yennenga est le joyau de la couronne Dagomba (Ghana). Pour éclore et aller à la rencontre de son destin, elle doit fuir l’ombre de son père. Yennenga fonde le peuple Mossi et devient la figure féminine centrale du Burkina Faso.
La légendaire Princesse Poko, connue sous le nom Yennenga, vit le jour entre le XIe et le XVe siècle dans le village de Gambaga, au nord du territoire de l’actuel Ghana. Elle fut le premier enfant de la Reine Napoko et du Roi Nedega, encore appelé Naba, c’est à dire le « Chef » des peuples Dagomba et Maprousi.
Une cavalière hors pair
Régnant avec justice et autorité sur son peuple, le Roi Nedega disposait d’une puissante cavalerie chargée de sa protection. Très tôt, il permit à la Princesse Poko de côtoyer cette cavalerie, Yennenga étant l’aînée de sa descendance et sa préférée en raison de leur grande ressemblance physique, en dépit du fait qu’il aurait préféré un prince héritier pour sa succession. Le Roi en effet, n’avait pas de garçon, malgré ses nombreuses épouses.
La réputation de la cavalerie du Roi Nedega passait outre les frontières de son royaume. C’est ainsi que très tôt, la Princesse Poko fut initiée à la compagnie des animaux, ce qui développa en elle une véritable passion pour la faune en général et les chevaux en particulier. Toutefois, son souhait de pouvoir monter à cheval se heurta à la tradition : son statut de femme en effet ne lui permettait pas de monter les chevaux comme les hommes. Le cœur serré, Poko fut plutôt initiée à intégrer la communauté des femmes.
Cependant, le tempérament et le caractère insistant de la Reine contraignirent le Roi qui finit par céder en faisant monter sa fille à cheval, notamment à ses côtés. Celle-ci pouvait même l’accompagner lors de ses longs voyages, y compris en période de guerre. Sa redoutable adresse dans le maniement des armes, acquise plus précocement que les hommes de l’armée royale, la firent se démarquer au point de l’imposer comme Cheffe de guerre, désormais indispensable à l’armée.
Une course vers son destin
Les facilités accordées à la Princesse Poko, désormais cavalière émérite, n’étaient pas du goût de tous. La Reine Napoko en outre, était souvent inquiète du sort de sa fille, maintenant en âge de se marier. Il faut dire que les fonctions militaires de la Princesse n’enlevaient rien à ses atouts physiques. Sa silhouette ne laissait donc pas indifférente les nombreux prétendants issus des grandes familles des royaumes environnants. Poko était en effet belle, élancée et mince. D’où son surnom de Yennenga pour dire « la femme mince ».
En réponse à ce grand émoi autour de la question du mariage de sa précieuse fille, le Roi Nedega ne jugea aucun prétendant digne d’elle. Ce qui agaçait davantage la Princesse que sa mère.
Poussée à bout par l’attitude du Roi, Yennenga mettra en terre des graines de gombo qu’elle laissa délibérément germer, mûrir puis pourrir, un peu comme pour dire à son père que son âge avançait. Il s’ensuivra une colère du Roi qui la fit enfermer.
Rejetant le sort que lui imposait son père et abandonnant tout derrière elle, elle réussit à s’enfuir de la demeure familiale pour atteindre l’écurie d’où elle se sauvera au dos d’un cheval blanc, sa monture favorite.
Dans sa fuite, la Princesse se retrouva loin de chez elle, dans le royaume des Boussanssés. Elle aperçut une case où elle demanda l’hospitalité. C’est là qu’elle fit la rencontre de Rialé, un jeune chasseur qui lui offrit le gîte et le couvert, croyant dans un premier temps avoir affaire à un jeune homme, la cavalerie étant interdite jusqu’alors aux femmes. Les deux jeunes gens firent meilleure connaissance le lendemain et se découvrirent leur destin commun : également d’ascendance princière, Rialé se retrouvait dans cette case isolée, loin de tous, parce qu’ayant fui son royaume, tout comme son hôte.
Une histoire d’amour naquit rapidement entre les deux jeunes gens de même qu’un garçon auquel ils donnèrent le nom « Ouedraogo », signifiant « Cheval blanc » ou « Étalon » en souvenir du cheval Destrier qui avait conduit la Princesse Yennenga vers le jeune Prince.
La naissance d’un nouveau royaume
Au bout de plusieurs années Yennenga, nostalgique de sa terre natale, mais surtout hantée par le désir de se réconcilier avec son père, décida d’envoyer à Gambaga son fils Ouedraogo, muni de nombreux présents pour son grand-père. Elle souhaitait en effet qu’il fasse la connaissance du Roi Naba. Ce dernier reçut son petit-fils avec de grandes réjouissances et le raccompagna avec des serviteurs, du bétail et des escortes constituées de guerriers dagomba afin que Ouedraogo puisse fonder un nouveau royaume sur la terre qui l’a vu naître, dans la région des Boussanssés.
À la vue de son fils, Rialé s’écria : « Je suis venu seul dans ce pays, maintenant j’ai une femme et j’aurai beaucoup d’hommes ». C’est la naissance d’un nouveau village, celui des Morosi (« Moro » signifiant « Homme » et « Si », « Beaucoup » en langue Bambara) et qui devient par déformation Mossi. Le royaume des Mossis et son peuple venaient ainsi de voir le jour.
Une postérité féconde
Ouedraogo fut le premier « Mogho Naba » ou « Roi » des Mossis. Il établit sa capitale à Tenkendogo à la mort de son père. Yennenga et Rialé eurent un autre fils qui serait à l’origine du royaume Gourmantché. Tous les Mogho Naba ayant régné sont des descendants agnatiques de Ouedraogo. Cette tradition est préservée jusqu’à nos jours. Le peuple Mossi, descendant de la Princesse Yennenga, est l’ethnie majoritaire du Burkina-Faso.
En outre, l’emblème national du pays, représenté sur les armoiries est l’étalon blanc qui guida la Princesse. Aussi est-elle consacrée emblème du parlement burkinabè depuis 2002. Par ailleurs, dans le monde du sport, les athlètes masculins burkinabés sont surnommés les « étalons ».
Dans le secteur du cinéma, la plus haute récompense décernée lors du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), au Burkina Faso, est l’Étalon de Yennenga (en or, argent et bronze). Beaucoup d’autres actes forts témoignent également de la place et de la présence considérables de la figure de la Princesse dans la mémoire collective de l’actuel Burkina-Faso.
L’histoire de Yennenga, issue essentiellement de la tradition orale, est racontée sous trois angles, notamment par les diverses composantes de la société contemporaine, à savoir la caste des forgerons, les tambourinaires et enfin les chefs de terre. Elle demeure le symbole d’une femme à la personnalité forte et à l’esprit indépendant.
Maggy Lynn