À l’occasion de l’ouverture du Sommet Chine-Afrique à Dakar, Amzath Abdoulaye revient sur la danse des relations entre les deux partenaires. Diplomatie voire impérialisme de la dette ou modèle et opportunité de développement ?
La Chine est incontestablement la première puissance économique mondiale. Rang que Pékin arbore en bombant le torse depuis plusieurs années en matière de relation inter-États. L’Afrique n’échappe pas aux tentatives de séduction du géant asiatique et préfère d’ailleurs céder aux chants de sirène de Xi Ji Ping. Mais la relation Chine-Afrique sera-t-elle celle des lendemains qui chantent ou qui déchantent ?
Amitié ou Diplomatie ?
En matière de diplomatie, les États n’ont pas d’amis mais visent uniquement leurs intérêts. Cela est d’autant plus vrai que dans un monde qui se veut globalisé, la course à la croissance et aux contrats gargantuesques restent la priorité des gouvernements, quitte à marcher sur les accords commerciaux, diplomatiques et internationaux établis en amont. L’exemple le plus récent qui me vient à l’esprit est la bisbille issue de la rupture de l’accord de vente de sous-marins à propulsion nucléaires entre la France et l’Australie avec le sabotage de la Grande-Bretagne et des États-Unis, jouant alors les troubles fêtes pour s’arroger un contrat « en béton ».
Si l’Australie qui est une puissance économique non négligeable et cité pour exemple, en termes de développement n’échappe pas à cette lutte des grosses puissances, le sort de l’Afrique n’en demeure que plus inquiétant à toutes les échelles.
Le gâteau africain
Le marché africain est la cible prioritaire des puissances pour plusieurs raisons. Premièrement, la jeunesse du continent qui dépasse les 60% de sa population totale. Ensuite, le boom démographique qui ouvre un marché de consommation non négligeable et de la main d’œuvre pour une bouchée de pain, sans parler des ressources minières et pétrolières lesquelles sont à peine exploitées. Enfin, une croissance résiliente malgré la crise sanitaire qui affecte le monde.
Or, il n’existe pas de puissance économique sans extension du pouvoir économique, d’où la priorité pour la Chine de s’étendre au continent africain pour proposer une sorte de « New deal », qui pourrait profiter aux deux parties. À une main tendue, doit répondre une autre main tendue.
Mais ne soyons pas dupes, la main tendue de la Chine est loin d’être une main propre. Car l’Empire du milieu vise avant tout ses intérêts, mais surtout cherche à gagner la guerre commerciale contre les USA, et par extension contre l’Occident.
Qu’a donc à perdre l’Afrique, en collaborant avec la Chine ? Avant de répondre « trois fois rien », je préfère poser la question autrement : qu’a donc à perdre l’Afrique, en collaborant avec la Chine, au détriment des puissances occidentales ? Bien que la main chinoise ne soit pas si propre, la paume occidentale ne fait pas non plus l’affaire, loin s’en faut, même si avec ses discours lénifiants, il (l’Occident) veut prouver le contraire.
L’Afrique noire n’est peut-être pas encore sortie de l’auberge depuis les indépendances, mais la responsabilité est autant imputable aux africains, qu’aux puissances occidentales, notamment la France, qui se sont, pendant longtemps, contentées de protéger leurs intérêts plutôt que de véritablement penser à un développement stricto sensu.
Conclure des accords et des partenariats avec la Chine, c’est pour moi risquer un pari, qui peut s’avérer payant à condition de mettre en place de véritables laboratoires indépendants d’analyse et de proposition capables de mesurer les risques liés aux accords coloniaux, et de prévoir leurs conséquences sur le long terme. Je pense que fort d’un tel dispositif, les États africains pourraient se vanter de négocier d’égal à égal avec la Chine, sans craindre les petites polices en bas de pages, qui nous ont rarement profité.
La Chine un meilleur partenaire ?
Sur le plan économique, la Chine reste à ce jour un partenaire commercial intéressant. L’arc de la Chine au continent africain n’est pas uniquement bandé aux extrémités commerciales, et c’est là où on attend plus de Pékin. Car l’Afrique est surtout en retard en termes de technologie, de TIC et d’équipements de qualité. Or, il est rare d’envisager un développement sans avancée technologique.
Par ailleurs, le défi sécuritaire auquel fait face le continent depuis plusieurs années, ne saurait être résolu sans une aide sécuritaire de pointe. Et c’est encore là, que la Chine pourrait être d’une grande aide pour le continent, en renforçant la coopération militaire afin de doter les armées africaines de technologies pour mieux faire face au terrorisme, en particulier dans le Sahel.
La Chine n’a que ses intérêts en jeu, mais ils pourraient profiter à l’Afrique dans le sens d’une diversification de ses partenaires et surtout, une anticipation sur la viabilité des accords avec les autres puissances à long terme. L’avenir du continent en dépend. Le temps de la diplomatie de privilège, matérialisée par une reconnaissance invisible au colon est terminé.
Amzath Abdoulaye, Consultant politique